J’avais déjà traité plusieurs fois le sujet pour la newsletter ViveS et j’ai même animé le parcours “Aidants” de la ViveS Académie. Mais là il s’agit d’aller encore plus en profondeur pour cette note, publiée aujourd’hui par l’Observatoire de l’émancipation économique des femmes de la Fondation des Femmes, en partenariat avec ViveS. Surtout, il s’agit de lever un tabou. Aider, c’est aimer. Mais peut-on aider sans compter ?
Trouver des données genrées : mission impossible
Le sujet est posé, l’angle est défini : « Le coût d’être aidante ». Je débute alors mes recherches et pars en quête de chiffres. Je tape dans Google des termes comme « coûts de l’aidance», « femme et aidante», « risques d’être aidante »… Je lis une grande quantité d’articles, et environ une quarantaine de rapports. Un premier constat s’impose : il n’existe que très peu de données genrées. Le désert… Quand on sait que 80% des aidants au foyer sont des femmes, je m’interroge sur le fait qu’il n’y ait pas de travail approfondi de nos institutions sur le sujet. Alors j’épluche des études encore et encore. Toutes (ou presque), établies par des associations. Leur travail est extraordinaire, je peux vous le dire ! Mais toujours peu de chiffres des services publics.
Or, comme le disait William Edwards Deming, célèbre statisticien : « Ce qui ne se mesure pas ne s’améliore pas ».
J’essaye donc cet exercice de « mesurer » et je pioche çà et là des informations pour les compiler et donner à voir une autre facette du paysage de l’aidance pour les femmes. Celle qui montre les multiples coûts qu’elles accusent !
Être aidante : un quadruple coût
Ce que j’ai trouvé en plongeant dans tous ces rapports, c’est que les femmes paient le prix fort à tous les niveaux.
Coût professionnel
Près d’un tiers des salariées aidantes (29%) occupent un poste à temps partiel ! Une situation rarement choisie mais plutôt subie… Pourquoi ? À votre avis, lorsque l’on doit s’occuper d’un parent ou d’un enfant, quel salaire sacrifie-t-on ? Le plus petit. Celui de la femme donc… Elles sont alors obligées de passer à temps partiel et perdent beaucoup en salaire. Pire, certaines doivent carrément cesser leur activité. 43% des aidantes au foyer ont dû arrêter de travailler en raison de leur situation d’aidante ! Pas de travail, pas de revenu… La précarité s’installe.
Coût financier
Les aidantes gagnent moins d’argent du fait du temps partiel, mais aussi à cause d’une carrière impossible à faire évoluer. En effet, comment accepter des responsabilités, des heures supplémentaires, des déplacements quand on est aidante au quotidien ? Voilà pourquoi 41% des femmes aidantes disent avoir refusé des opportunités professionnelles (promotions, changement de poste…). Résultat : il existe une surreprésentation des aidants dans les salaires inférieurs à 2000 €/mois et une sous-représentation de cette population dans les revenus supérieurs à 3000 €/mois. La précarité n’est jamais loin… Et si je vous dis qu’en plus, elles doivent assumer des dépenses supplémentaires pour leur proche aidé, vous imaginez à quel point leurs finances sont impactées.
Dans de telles conditions, quelle retraite peuvent-elles alors espérer ?
Coût social
Le temps, les aidantes n’en ont plus. 65% des salariés aidants ont renoncé à des activités sportives, associatives ou à des sorties pour assumer leur rôle.
Alors passer une soirée avec des amis, prendre un café, faire du yoga ou tout autre loisir ne fait pas partie de leur vie. Elles ont même tendance à s’isoler, ce qui a un impact sur leur santé mentale.
Coût sur leur santé
Là encore, les aidantes paient le prix fort. 81% d’entre elles se soucient plus de la santé des autres que de la leur. Résultat : des renoncements aux soins, des retards de diagnostics, un épuisement total…
Je suis tombée sur deux chiffres qui font froid dans le dos : 60% des aidants sont exposés à un risque de surmortalité dans les 3 ans qui suivent le début de la maladie de leur proche et un tiers des aidants meurent avant leur aidé !
Voilà. Le constat est édifiant. Mais je ne vais pas vous laisser sur cette note ! Les associations, qui, je le répète, font un travail remarquable, émettent des propositions qui pourraient changer la donne.
Vers un grand plan « aidance » ?
Dans la dernière partie de la note, nous explorons les différentes pistes qui pourraient améliorer la vie des aidantes et leur éviter de tomber dans la précarité. Je ne vais pas toutes vous les détailler ici mais je vous invite vraiment à les lire. Voici quatre actions qui me semblent particulièrement essentielles :
Bref, des idées pour changer la donne, il en existe des centaines que les associations ont parfaitement identifiées.
Pour faire bouger les lignes, nous avons besoin de tout le monde ! Chacun à son niveau peut agir. Ça commence par le simple fait de sensibiliser son entourage, pro et perso, à la question de l’aidance. Car je vous le rappelle, en 2030, 1 personne sur 4 sera aidant·e. Alors, vous lancez ce sujet de discussion à votre prochain déjeuner ?
Illustration : un grand merci à Marie Lemaistre et l’agence Fllow |