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Accueil > Newsletters > Inspirations > Comprendre les femmes m’a aidé à devenir l’homme que je suis
photo, compréhension, enfance, mémoire, féminisme

Louise de Lavilletlesnuages

Yves Deloison

Yves Deloison

Inspirations

Comprendre les femmes m'a aidé à devenir l'homme que je suis

06 août 2022

Les livres de l’été ViveS : cette semaine, le livre qui m’a enrichi en me permettant de comprendre ce que vit l’autre genre.

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« Les garçons et les filles étaient partout séparés. Les garçons, êtres bruyants, sans larmes, toujours prêts à lancer quelque chose, cailloux, marrons, pétards, boules de neige dure, disaient des gros mots, lisaient Tarzan et Bibi Fricotin. Les filles, qui en avaient peur, étaient enjointes de ne pas les imiter, de préférer les jeux calmes, la ronde, la marelle, la bague d’or. »

 

Ces trois phrases brutes et précises sont extraites des premières pages du précieux livre Les années d’Annie Ernaux. Une mise en mots percutante qui m’a d’autant plus frappé qu’elle évoquait tout ce que j’avais pu connaître enfant, puis adolescent, dans les établissements scolaires que j’avais fréquentés. Une répartition des sexes absolument inégalitaire, que j’avais déjà en horreur, sans voir encore combien elle procédait de quelque chose de systémique.

 

Ce récit, l’autrice le tisse de sa petite enfance à Yvetot en Normandie, celui du café-épicerie-maison de ses parents, jusqu’au seuil de sa vieillesse, après une carrière de professeure de littérature à Cergy-Pontoise. Le principe de composition s’articule autour de photos – non publiées dans l’ouvrage –, de souvenirs, les siens qui sont souvent les nôtres. Et m’ont infiniment rappelé les miens, moi qui, du plus loin que je me souvienne, me suis toujours senti interpellé par la place des femmes dans notre société. Gamin, déjà, voir ma grand-mère maternelle entièrement dévouée au bien-être de mon grand-père, comme la plupart de ses congénères, me choquait. Dans la quasi-totalité des familles françaises, ces femmes d’un autre âge, condamnées à supporter toute leur vie le bon vouloir d’un époux plus ou moins tyrannique, n’imaginaient même pas remettre en cause l’ordre établi.

1. Ce que je croyais avant

Le regard aiguisé de la narratrice, sa vie, ses sentiments, sa perception du monde de ces décennies-là, éclairent sur son milieu social, sur la condition des femmes, celles du XXe siècle, et de ses évolutions. En mettant en perspective sa vie et son époque, elle fait d’un destin personnel et de sensations singulières, une histoire universelle.

 

Quand je l’ai lu, le livre Les années a réveillé d’autres sentiments très personnels, ceux liés aux espoirs de mon adolescence. À l’époque, je me réjouissais d’apercevoir les signes annonciateurs de l’émancipation des femmes. Déjà, je prônais leur accès aux plus hautes fonctions politiques. Envisager la présence d’une femme à l’Élysée, non pas comme « première dame » mais bien comme cheffe de l’État, était souvent interprété par mon père, notamment, comme une provocation de ma part. Quand, sur nos écrans, l’image de Christine Ockrent à la présentation du journal de 20 heures d’Antenne 2 est apparue, j’ai vu le changement se profiler. Petit à petit s’est forgée en moi l’intime conviction que, malgré une hiérarchie tenace entre les femmes et les hommes, l’évolution était inéluctable. Un jour, les femmes exerceraient indistinctement tel ou tel métier, fonction ou responsabilité, et opteraient pour les modes de vie et comportements de leur choix, libérées des assignations, sans que personne ne s’en émeuve. Je n’avais pas encore pris la mesure des obstacles à surmonter ni de l’ampleur des résistances à l’œuvre au sein de la société.

2. Ce que j'ai découvert

Le livre Les années est le fruit d’une longue quête d’Annie Ernaux. Elle a mis littéralement des années à le mûrir, en écrivant d’autres livres, en affinant son écriture et sa pensée. Près de quinze ans après sa publication, ce texte révèle une femme d’une étonnante modernité, en prise et en phase avec des combats ultracontemporains.

 

Et c’est aussi en cela que ce texte m’est très cher, dans la loyauté aux idéaux qu’il traduit. Ce qui me touche profondément, c’est que l’autrice reste si fidèle à ses valeurs et continue d’aborder les questions fondamentales de notre époque, de la place des femmes, de l’intersectionnalité, du capitalisme et de sa violence notamment. Par sa capacité à traverser les âges sans se trahir, ni trahir les autres, les générations suivantes notamment, Annie Ernaux m’inspire. Elle est un véritable rôle modèle pour moi.

3. Ce que j'ai appris à faire

« La honte ne cessait de menacer les filles. Leur façon de s’habiller et de se maquiller, toujours guettée par le trop : court, long, décolleté, étroit, voyant, etc., la hauteur de leurs talons, leurs fréquentations, leurs sorties et leurs rentrées à la maison, le fond de leur culotte chaque mois, tout d’elles était l’objet d’une surveillance généralisée de la société. »

 

Cette mémoire féminine et féministe, celle des perceptions, des contraintes, des souffrances, de l’injustice, de la violence, du danger, des disparités subies par les femmes, ce regard sur une société patriarcale et ses ravages, ce vécu dans l’histoire que l’autrice utilise pour passer de l’individuel au collectif, m’ont plongé dans ce qu’on ignore quand on est de l’autre genre, même quand on se ressent comme un homme concerné par ces questions et impliqué en faveur des combats pour l’égalité entre femmes et hommes. Un indicible qui, maintenant que la parole se libère, m’oblige surtout moi à écouter, en tant qu’homme, et à me taire dès que c’est nécessaire.
Trop tourmenté par mes propres angoisses et des questions existentielles autocentrées, j’ai pu m’ouvrir grâce à ce livre à de nouvelles préoccupations, celles qui jusque-là n’étaient pas les miennes. Cette profonde remise en question qui agit chaque jour sur moi a bousculé mes représentations sur ce qui fait le sel de la vie : observer, écouter, chercher à comprendre, sortir de ses croyances pour se décentrer. Je crois que pour être pleinement un homme, dans le sens du genre, il faut cesser d’ignorer tout ce qui n’est pas soi – cette identité « d’homme » –, afin de pouvoir embrasser d’autres normes, d’autres identités.

4. Ce que ça a changé dans ma vie

Quand j’ai tenté de lire une première fois Les Années, je suis passé à côté. Je ne m’y suis plongé qu’après avoir dévoré Écrire la vie, un recueil rassemblant les livres précédents de l’écrivaine, pour saisir la portée et l’intensité de ce qu’Annie Ernaux avait à partager, mêlant autobiographie et regard sociétal. Dans Les Armoires vides et L’Événement, l’autrice aborde ainsi la réalité de l’avortement clandestin, tellement d’actualité qu’une adaptation cinématographique – de L’Événement – en a été faite en 2021.
Car aujourd’hui encore, l’avortement reste suspect et relève aux yeux de la société de la responsabilité féminine. De fait, se préoccuper de la question de la contraception n’est pas encore considéré comme une problématique masculine. Pourtant, les hommes peuvent prendre la main en matière de contraception, et doivent en finir avec leurs jérémiades indécentes, qui les voudraient voués à se laisser piéger et à devenir le jouet des femmes en matière de reproduction. Doit-on leur rappeler le traumatisme, bien réel celui-là, qu’ont vécu les femmes lorsque l’IVG n’était pas légalisée ? Dans Les Années, Annie Ernaux raconte des femmes prisonnières des carcans et exposées à la honte comme quelques-unes l’ont été dans mon entourage.

 

« Le plus défendu, ce qu’on n’avait jamais cru possible, la pilule contraceptive, était autorisé par une loi. On n’osait pas la réclamer au médecin, qui ne la proposait pas, surtout quand on n’était pas mariée. C’était une démarche impudique. On sentait bien qu’avec la pilule la vie serait bouleversée, tellement libre de son corps que c’en était effrayant. Aussi libre qu’un homme. »
Cette citation du livre de l’autrice illustre l’enjeu de cette mémoire féminine essentielle, et dont tout homme devrait se saisir.

 

Les Années, d’Annie Ernaux (Gallimard, 2008). Rééd. « Folio » (2010, 256 p., 7,90 €).

Illustration : un grand merci à Louise de Lavilletlesnuages

Yves Deloison

Yves Deloison

Conférencier, journaliste indépendant, podcasteur et auteur de plusieurs livres, Yves Deloison se passionne particulièrement pour les questions de genre, l’égalité femmes-hommes, les stéréotypes, mais aussi les reconversions professionnelles.

Dans son livre Pourquoi les femmes se font toujours avoir ? écrit en 2013, il dresse le bilan de la situation des femmes en France. En interrogeant une batterie de stéréotypes et en chahutant nos propres contradictions, Yves Deloison propose à chacune et à chacun de se remettre en question en toute simplicité et de réfléchir à une façon de vivre mieux, que ce soit à la maison, au travail, en famille ou au sein du couple.

Le regard de Love for Livres

love for livre

 

Il est difficile de décrire les émotions provoquées par la lecture de ce livre, Les Années. Difficile parce que cette “autobiographie impersonnelle”, pour reprendre les mots d’Annie Ernaux, est un récit important et profondément marquant. Les émotions s’y mêlent autant que les apprentissages auprès de cette femme et narratrice d’exception nous racontant “l’urgence de sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus.”

 

Quand on s’essaie à démêler les émotions ressenties, la tristesse arrive assez vite. Tristesse mélancolique de savoir ô combien la vie passe et qu’on a déjà lu ce livre ! On n’aura pas la chance de l’ouvrir à nouveau. Tristesse à l’image des meurtrissures et des déceptions de la narratrice qui nous fait si bien sentir le passage du temps. Tristesse et gravité en suivant les combats féministes d’Annie Ernaux qui a inspiré tant de femmes transfuges à se poser la question de leurs droits et à lutter pour conquérir leur liberté pleine et entière. C’est une tristesse empreinte de “saudade” comme disent les Brésiliens, de celles qui mêlent l’espoir à la mélancolie. Une tristesse presque salutaire qui nous invite à apprécier chaque petite victoire et à considérer le temps comme un camarade de jeu, un espace volé à la fatalité pour bâtir une œuvre quelle qu’elle soit. La tristesse était d’ailleurs considérée en d’autres temps comme une émotion “utile”. Ainsi, en 1539 dans The Castell of Helth, l’un des premiers manuels de self-help, forme simplifiée du développement personnel, Thomas Elyot encourage ses lecteurs à se familiariser avec le chagrin des autres pour mieux tolérer le leur et mieux vivre.

 

La deuxième émotion ou état qui nous gagne à la lecture du livre est l’amour.

Rien à voir avec un amour rose bonbon. Ce n’est pas Éros non plus dont on parle ici. L’amour ressenti grâce au livre Les Années est plus proche de Philia et Agapè, les deux autres termes grecs pour dire amour et repris par Platon dans son célèbre Banquet. Philia désigne l’amitié et la camaraderie. Car Les Années est un livre sur le compagnonnage féministe, les rencontres et le lien à la transmission, pas toujours satisfait, mais toujours moteur du cheminement de la narratrice. Agapè décrit quant à lui une forme d’amour généreux que nous inspirent les choix de la narratrice malgré son style sans concession et la lucidité de son regard. Tout au long des années, elle cherche dans le langage des réponses qu’elle partage avec d’autres sans donner de leçons tonitruantes. Et surtout, elle ne cesse de tenter de dire avec obstination sa vérité intime et sa vérité de femme dans l’Histoire. Par là même, elle fait œuvre utile.

 

Pour prolonger la force de cette lecture :

 

  • Lire ou relire Passion simple, toujours d’Annie Ernaux (1992, Gallimard Blanche ou Folio).
  • Découvrir le fabuleux Dictionnaire des émotions de Tiffany Watt Smith (2019, Zulma).
  • Regarder le film l’Événement réalisé par Audrey Diwan et primé à Venise d’après le roman éponyme d’Annie Ernaux.

 

 

LIVRE

 

La série de l’été avec LOVE FOR LIVRES

Parce que les livres ont la capacité de changer notre regard sur la vie et sur nous-mêmes, chaque samedi, une plume de ViveS vous révèle le livre qui a transformé son existence.

 

En partenariat avec Love for Livres, cette nouvelle série vous donne des clés concrètes pour faire de vos émotions des alliées et vous accompagner au mieux dans votre parcours de vie. Elle est aussi une source de recommandations de livres divers et divertissants !

 

Et vous, avec quel livre avez-vous rendez-vous ?

 


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