Ce conseil, bizarrement, beaucoup de femmes l’ont appliqué à la lettre jusqu’à un jour fatal, qui se présentait pourtant sous les meilleurs auspices. Qui peut se douter que « le plus beau jour de notre vie » puisse être aussi le début de la fin pour nos finances ? Nous avons souvent épousé plus qu’un homme : à force de ne pas prendre soin de nos intérêts, nous avons aussi épousé les siens.
« Le mariage, comme le couple hétérosexuel, est en réalité bien souvent une spirale à pauvreté pour les femmes. Pourtant il reste le régime le plus protecteur pour elles en comparaison du PACS ou de l’union libre. » Cette analyse est extraite de la nouvelle note publiée ce 14 mars par la Fondation des Femmes, écrite par Lucile Peytavin et Hélène Gherbi, et consacrée au « coût du divorce ». Toutes les femmes devraient la lire avant de glisser un orteil dans le mariage, et même une fois les deux pieds dedans : il n’est jamais trop tard pour bien faire.
D’autant plus qu’une union sur deux se termine en divorce (44%) et c’est la femme qui en est à l’initiative dans 75% des cas. Une expérience qui lui réserve une grosse surprise : l’addition à régler qu’elle n’a pas vu venir. Et je ne parle pas de coût émotionnel, mais bien de coût financier.
Quelle réalité économique se cache derrière le joli paravent de l’amour ? En se mariant ou en se mettant en couple, les femmes font-elles vœu de pauvreté sans le savoir ?
Voici un guide pour ne pas se brûler les ailes financièrement quand on convole.
Les femmes passent à la caisse par amouuuur
Réinventer l’amour, pour reprendre le titre de l’essai de Mona Chollet publié en 2021 aux éditions Zones, cela passe aussi par la construction de nouvelles relations économiques au sein du couple. Nous nous croyons à l’abri dans l’intimité de nos foyers et pourtant : quand on la met en lumière par des chiffres, l’économie du couple (pour reprendre le titre du film de Joachim Lafosse) peut ressembler à un racket du temps et de l’argent des femmes.
Au moment du divorce, les femmes accusent une perte de niveau de vie de 22%, contre 3% pour les hommes. 20% des femmes basculent dans la pauvreté contre 8% des hommes. Pour les femmes avec enfants, c’est même 34% de taux de pauvreté contre 13,9% dans la population générale en 2020. Laetitia Vitaud donnait déjà ces chiffres dans l’une de nos newsletters intitulée Le péril seule : elle qualifiait la séparation de « choc financier » pour les femmes.
Mais cette fragilité financière ne naît pas en un jour : « En moyenne, les femmes vivant en couple hétérosexuel perçoivent un revenu inférieur de 42% à leur conjoint. Cet écart n’est que de 9% entre les femmes et les hommes célibataires », nous dit la note.
Le premier mécanisme d’appauvrissement des femmes en couple et dans le mariage, ce sont les inégalités femmes-hommes : l’injuste répartition de la charge parentale et ménagère, des dépenses, des investissements, et la mise entre parenthèses de la carrière des femmes au profit de celle des hommes. « Près de 40% des femmes vont modifier leur activité après une maternité. […] Dans les couples avec un seul enfant, 28% des mères sont à temps partiel. Ce chiffre passe à 42% pour les mères de trois enfants. » Conséquences financières : « Les femmes qui deviennent mères assistent à une baisse d’environ 25% de leurs revenus dans les cinq années qui suivent la naissance de leur enfant. » Pour les pères, « on n’observe aucun impact financier lié à l’arrivée d’un enfant. » Le « coût d’être mère » est exorbitant, celui d’être père inexistant. « Une arnaque », d’après les mots de la sénatrice Laurence Rossignol dans l’émission C ce soir sur France 5.
Mais par amour, et sous la pression de la société, beaucoup de femmes ne convertissent pas leurs choix en équivalent euros. Dans son édito, Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, écrit que « les chiffres de la sixième édition du baromètre du Haut Conseil à l’Egalité paru le 22 janvier 2024 nous le rappellent : 37% des jeunes hommes considèrent qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants. » Et si elles ne s’arrêtent pas, elles n’ont plus qu’à jongler : « 59% des mères prennent régulièrement les jours de congé pour enfant malade, contre 25% des pères. »
Et ce sont toujours les femmes que l’on culpabilise à coups de baisse du taux de natalité et de réarmement démographique, en leur refilant le bébé du renouvellement des générations sans compensation financière ni reconnaissance. Sur son compte Instagram, la journaliste Judith Duportail, autrice du livre Maternités rebelles, à paraître en 2024, qui a récemment fait des bébés jumeaux « toute seule » (coucou Jean-Jacques !) par PMA, a publié une réaction : « Moi je pense qu’en réalité, il faut aller bien plus loin avec cette idée de réarmement démographique. Et rémunérer toutes les femmes en travail de maternité. Autant qu’un militaire en opérations extérieures. Soit 5000 euros par mois. »
Espérons néanmoins que l’on ne va pas finir en utérus sur pattes comme dans la Servante écarlate.
Les femmes dépensent sans investir
« Moi, mon argent, c’est du volatile en fait. Je m’occupais du médecin, des vêtements, des cadeaux, des jouets et de remplir le frigo. Le reste, les charges, les remboursements d’emprunt immobilier… il s’avère que lui, les emprunts il les a toujours remboursés, mais les appartements ont toujours été à son nom ». Ce témoignage, c’est celui de Béatrice dans le podcast d’Arte radio Paye ta séparation et c’est un cas d’école. « Ça s’est confirmé au moment de la séparation, parce qu’on en a parlé: en fait tu te rends compte que pendant toutes ces années j’ai payé les couches et toi tu remboursais l’emprunt et tu t’enrichissais grâce à moi ? » rapporte-t-elle encore. Une illustration parfaite du syndrome très répandu dans les couples de « Madame PQ » et de « Monsieur Voiture », diagnostiqué par Lucile Quillet dans son livre Le prix à payer et rapporté dans la note de la Fondation des Femmes. Parce qu’elles ont moins d’argent, les femmes prennent en charge les dépenses courantes périssables quand les hommes paient les biens coûteux qu’ils récupèrent en cas de séparation. Le résultat ? L’implacable appauvrissement des femmes dont l’argent s’est volatilisé. Le mariage, un tour de passe-passe ?
Même chose pour l’investissement. Les hommes ont plus d’argent pour investir mais aussi plus de temps pour acquérir une éducation financière, car « le temps de loisir et le temps libre des pères reste significativement supérieur à celui des mères, en moyenne 24 à 33 minutes de plus par jour ». L’idéal pour apprendre à faire fructifier son argent et en percevoir les gains plus tard.
On voit bien qu’on ne barbote pas dans l’égalité mais dans l’illusion de l’égalité. Malheureusement, cette illusion (les femmes travaillent, elles ont un salaire, où est le problème ?) encourage la pratique du 50/50 dans la répartition des dépenses au sein des couples. « C’est comme si on demandait aux femmes d’appliquer une égalité qui n’existe nulle part ailleurs » analyse Lucile Quillet dans une vidéo publiée par Le HuffPost.
Autre faux pas quand on se marie : ne pas se pencher sur les régimes matrimoniaux. La note de la Fondation des Femmes indique qu’entre « 1992 et 2015, le nombre de mariages en séparation de biens a augmenté de 64%, tandis que le régime de la communauté de biens a enregistré un net recul, de 61% en 1998 à 48,5% en 2015. » Pourtant, c’est ce dernier qui « permet de compenser en quelque sorte les inégalités de revenus entre la femme et l’homme en assurant une redistribution a posteriori, en garantissant une propriété commune des biens. » Les couples mariés en séparation de biens « sont souvent les couples les plus inégaux. »
Last but not least, le dernier guet-apens ! La procédure de divorce par consentement mutuel est plébiscitée actuellement car « elle serait simple, rapide et peu coûteuse. » Le hic, c’est qu’elle « évince le juge qui a pour rôle de garantir les libertés, les droits, la protection du conjoint le plus vulnérable et l’équité entre les deux parties. » Mais sinon vous faites comme vous voulez.
Les femmes sont de plus en plus à la tête de familles monoparentales
Le résultat de cette fragilisation économique des femmes après une rupture ou un divorce, c’est que dans notre société où une famille sur quatre est monoparentale (Insee 2016), 85% de ces familles ont une femme à leur tête. Elles sont deux fois plus frappées par le chômage que les familles traditionnelles (15% versus 7%) et 40% sont pauvres contre 14% des familles traditionnelles. Elles ont donc plus de mal à se loger.
Les pensions alimentaires, payées dans 97% des cas par le père, ne sont que de 170 euros en moyenne alors que le coût estimé pour l’éducation d’un enfant est de 625 euros par mois. Quand elles sont payées ! Les impayés représentent 30 à 40% des cas. Ironie de l’histoire, la pension est imposable pour la mère mais déductible fiscalement pour le père. Allez comprendre.
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Les femmes sont maintenues dans la dépendance par un "système patriarcal d’Etat"
Les politiques publiques font tomber les femmes dans la dépendance vis-à-vis de leur conjoint, nous en avions déjà parlé dans notre newsletter intitulée Quel est ce patriarcat d’État qui met les femmes sous tutelle ? C’est par exemple la conjugalisation de l’impôt qui augmente de 6 points le taux marginal d’imposition du conjoint aux revenus les plus faibles… Une situation qui sera rectifiée dès 2025 grâce à l’application par défaut du taux individualisé au lieu du taux personnalisé dans le cas des déclarations en couple, un changement obtenu grâce à la proposition de loi de la députée Marie-Pierre Rixain visant à « accélérer l’égalité fiscale et successorale entre les femmes et les hommes. »
Ce genre de dysfonctionnement concerne aussi le RSA, la Prime d’Activité ou les APL, explique la note. « Si vous avez de très faibles revenus mais que votre conjoint·e gagne bien sa vie, l’État part du principe que la solidarité conjugale s’applique : vous pouvez ne pas être aidé·e car votre partenaire peut vous prendre en charge. » Là aussi, les femmes sont enfermées dans la dépendance, possiblement dangereuse car elle peut générer des violences économiques, et ça n’arrive pas qu’aux autres !
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5 bonnes pratiques pour prendre un nouveau départ
Se faire avoir n’est pas une fatalité ! Voici les 5 recommandations de la Fondation des Femmes pour construire une union saine financièrement :
1) Parler d’argent dans son couple : vous avez de la chance, ViveS Média a développé plusieurs outils pour vous aider. Vous pouvez commencer par regarder notre webinaire Comment parler d’argent quand on s’aime avec la sexologue Margaux Terrou, réalisé en partenariat avec Boursorama.
2) Prévoir des compensations financières pour le conjoint à temps partiel.
3) Oser constituer son patrimoine personnel : « Il est essentiel de s’informer pour disposer d’une culture financière solide permettant de prendre les meilleures décisions financières » conclut la Fondation des Femmes. Ça tombe bien ! ViveS Média vous propose des outils d’éducation financière, comme le podcast Osons l’oseille et le parcours vidéo ViveS Académie pour faire vos premiers pas dans l’investissement.
4) S’informer pour bien choisir son régime matrimonial et mesurer l’impact juridique et financier de son choix.
5) Bien choisir sa procédure de divorce.
La note formule aussi des propositions de politiques publiques, comme la création du statut du parent isolé, la déconjugalisation des allocations familiales ou la défiscalisation des pensions alimentaires. Pour en savoir plus, je vous laisse lire l’ensemble de la note et je vous suggère un dernier conseil. Dans les mariages juifs, la rabbine Delphine Horvilleur explique qu’on casse un verre pour signifier que cette expérience va nous changer et que rien ne sera plus comme avant.
Alors casser un verre, c’est oui. Casser votre tirelire, c’est non.