Logo ViveS foncé
  • Nos newsletters
  • Osons l'oseille
  • Rencontres
  • ViveS Académie
  • Collectif
  • Connexion
Rechercher...
Accueil > Newsletters > Partageons les rôles > Le péril seule
femme devant fossé symbole €

Wood

Laetitia Vitaud

Laetitia Vitaud

Partageons les rôles

Le péril seule

26 janvier 2022

Seule une minorité de femmes en couple sont préparées à « encaisser » le choc d’une séparation. C’est un peu comme à propos de la mort, on se dit qu’on ne va pas gâcher sa vie à penser au pire ! Pourtant, la séparation est un choc qui coûte cher aux femmes économiquement.

Partager la newsletter

LinkedIn icon Twitter icon WhatsApp icon
Partager par email

Qu’elles soient mariées ou en union libre, les femmes hétérosexuelles ont une probabilité assez forte de se séparer de leur conjoint et de s’en trouver appauvries en conséquence. S’y préparer ne veut pas dire provoquer la séparation (de même que préparer ses obsèques ou rédiger son testament n’est pas cancérigène !)

“ La peur de la pauvreté et de la souffrance de ses enfants l’ont retenue dans un mariage qui la faisait souffrir ”

Fille de parents divorcés, j’ai grandi avec l’idée que le célibat ou le divorce étaient des situations plus « normales » que celle d’être heureux en couple. Il faut dire que même avant leur séparation, mes parents ne m’ont pas offert une vision positive du couple. Ma mère, qui s’est mise à travailler à temps partiel après la naissance de deux enfants (moi puis mon frère – elle avait déjà une fille d’un premier mariage), a enduré un mariage malheureux pendant des années avant de finalement oser demander le divorce. La peur de la pauvreté et de la souffrance de ses enfants l’ont retenue dans un mariage qui la faisait souffrir.

 

Il est important de le rappeler : l’augmentation des séparations et des divorces par rapport à il y a un siècle est d’abord le signe positif d’une émancipation féminine ! Autrefois, de nombreuses femmes souffraient de violence, de désamour et d’exploitation sans pouvoir prendre le large parce qu’elles étaient totalement dépendantes économiquement de leur conjoint. Elles n’avaient nulle part où aller. Aujourd’hui, un plus grand nombre d’entre elles a le choix de partir. D’ailleurs, c’est ce schéma-là qui reste dominant : dans les couples hétérosexuels mariés, trois divorces sur quatre sont à l’initiative des femmes.

 

La séparation reste un sujet plus « féminin ». Elles pensent plus souvent à la rupture. On le comprend : une part disproportionnée de la charge émotionnelle du couple et de la charge mentale du foyer pèse sur leurs épaules, tandis qu’elles y perdent plus économiquement. L’écart de revenus entre hommes et femmes se creuse au sein du couple: il est de 42% pour les personnes en couple ! En moyenne, elles subissent aussi davantage de violences physiques et psychiques. En bref, le couple n’est globalement pas une institution qui leur est très favorable, ce qui peut expliquer qu’elles prennent plus souvent la décision de partir.

“ Suite à un divorce, une femme sur cinq bascule dans la pauvreté ! ”

L’Insee le montre clairement : les séparations sont un « choc financier » surtout pour les femmes. Le divorce engendre une perte de niveau de vie de 22% pour les femmes (seulement 3% pour les hommes). Même si cette perte est en partie comblée dans les 2 ans qui suivent. Suite à un divorce, une femme sur cinq bascule dans la pauvreté ! Cela fait 20% des femmes, du côté des hommes ils sont 8%. Et la baisse du niveau de vie féminin à tendance à s’accentuer avec l’âge – le mariage ayant eu plus de temps pour les appauvrir.

 

La séparation induit la fin de la mise en commun des ressources et du partage des dépenses de logement. Comme les femmes ont plus souvent la garde des enfants, elles doivent faire face à des dépenses plus importantes que les pensions alimentaires et prestations sociales ne suffisent généralement pas à compenser. Plus il y a d’enfants à charge, plus le risque de pauvreté est important. Comme le souligne la journaliste Lucile Quillet dans un ouvrage remarquable intitulé Le prix à payer, « pour les femmes, le nombre d’enfants à charge n’est pas synonyme de ristourne, bien au contraire : il est un facteur d’augmentation du risque de basculement dans la pauvreté. Avoir deux enfants à charge augmente de 34% les chances de tomber dans la pauvreté par rapport aux mères avec un seul enfant à charge. Vivre avec trois enfants ou plus fait grimper ce risque à 79%. »

“ Un meilleur partage des tâches parentales dans le couple a un double effet positif ”

Fait intéressant, lorsque les enfants sont en garde alternée, la perte de niveau de vie est mieux répartie entre les hommes (-13%) et les femmes (-18%), précise l’Insee. Autrement dit, la question d’un meilleur partage des tâches parentales dans le couple a un double effet positif : d’une part, la carrière des femmes ralentit moins avec la maternité (et elles perdent moins de revenus) ; d’autre part, les séparations sont moins coûteuses pour elles car les pères restent plus investis dans la parentalité, même au-delà de la vie du couple. Il est remarquable que ce sont au départ les couples plus égalitaires du point de vue économique qui décident de mieux partager la parentalité le cas échéant. Ces personnes divorcées sont souvent plus diplômées.

 

La monoparentalité et la pauvreté sont deux phénomènes hélas encore intimement liés. Les femmes qui élèvent leurs enfants seules restent plus pauvres, et leurs enfants aussi : 46% des enfants qui vivent seulement avec leur mère sont pauvres. Les pensions alimentaires moyennes, quand elles sont payées, s’élèvent seulement à 170 euros par mois par enfant, mentionne Lucile Quillet (source Insee), qui écrit quelques pages révoltées sur l’asymétrie de la charge des enfants après une séparation : « Une mère de famille monoparentale ne peut pas décider de pouvoir ou pas : elle n’est pas parent dans la limite de son revenu disponible. Elle a des enfants à temps complet et des bouches à nourrir. (…) Ils ne peuvent pas. Mais elles n’ont pas le choix. » Et ce sont elles qui doivent toujours courir après l’argent qu’on leur doit…

“ Avec les progrès de l’égalité est venue l’idée que tout était affaire de choix individuels et que les protections patriarcales n’avaient plus vraiment lieu d’être ”

Certes, l’augmentation des séparations suit une plus grande libéralisation des mœurs et un « empouvoirement » relatif des femmes. À mesure que les femmes s’émancipent économiquement, elles sont plus nombreuses à être assez indépendantes pour pouvoir sortir de situations de couple délétères. Il est important de rappeler que, depuis les années 1970, les progrès de l’émancipation féminine sont immenses. Cependant, depuis le début du XXIe siècle, on observe un net ralentissement de ces progrès et une évolution en demi-teinte. Parmi les couples mariés, on divorce moins, mais cette évolution masque autre chose : il y a beaucoup plus d’unions libres dans lesquelles les femmes ne sont pas autant protégées.

 

Avec les progrès de l’égalité est venue l’idée que tout était affaire de choix individuels et que les protections patriarcales n’avaient plus vraiment lieu d’être. Plus de femmes sont dans des situations où le régime de séparation de biens est la norme (unions libres) ; or le régime de communauté de biens reste un mécanisme redistributif essentiel. Dans les unions libres, il n’y a ni prestation compensatoire ni pension de réversion après le décès d’un “ex”. Parmi les couples mariés, plus de couples font le choix du régime de séparation de biens. Les juges pensent que les protections patriarcales sont devenues obsolètes et accordent des compensations de moins en moins importantes.

 

Pourtant les femmes en couple hétérosexuel continuent de « payer » une pénalité maternelle importante : le travail gratuit (ménage, garde et éducation des enfants) occupe les deux tiers des 54 heures de travail hebdomadaires réalisées par les femmes en couple, tandis qu’il ne représente qu’un tiers des 51 heures travaillées par les hommes chaque semaine, expliquent Céline Bessière et Sibylle Gollac dans Le genre du capital. Cela explique le ralentissement des carrières féminines et le manque à gagner qu’elles subissent au fil du temps. Ainsi, les inégalités patrimoniales se sont creusées depuis vingt ans. Elles restent moins souvent propriétaires de biens immobiliers, et cela ne semble pas évoluer positivement.

“ Se préparer dès le début à l’éventualité d’une séparation et ne pas évacuer le sujet d’un revers de la main parce que ça « tue l’amour » est essentiel ”

Certes, la séparation est moins certaine que la mort, mais elle est un choc dont la probabilité reste élevée. Se préparer dès le début à l’éventualité d’une séparation et ne pas évacuer le sujet d’un revers de la main parce que ça « tue l’amour » est essentiel. Cela n’augmente en rien les chances de séparation, au contraire. Des discussions franches et claires sur la situation matérielle de l’un et de l’autre sont une marque de respect et ajoutent à la bonne santé d’un couple. Il existe au moins trois manières de s’y préparer :

 

1. Les choix de vie pour le foyer doivent être planifiés avec assurances et compensations futures : une femme qui renonce à une promotion pour la maternité, passe à temps partiel pendant plusieurs années pour s’occuper des enfants, suit son conjoint dans une expatriation, peut négocier des compensations futures, une épargne dédiée à son nom, etc. Il ne s’agit pas de ne jamais faire ces choix, mais d’en mesurer les coûts pour celle qui fait des sacrifices de carrière qui auront un impact financier important en cas de séparation. Lucile Quillet l’explique bien : « D’un coup, les choix faits autrefois à deux sont de votre seul ressort. “Il fallait y réfléchir avant, Madame”, leur dit-on ». Plutôt que de découvrir le montant de la facture au moment de la séparation, il faut en « budgéter » le coût individuel en amont.

 

2. La gestion patrimoniale et la connaissance des enjeux financiers du foyer se partagent dès le début : depuis 1985, la loi française a fait des femmes des gestionnaires à égalité au sein du foyer, mais en général, elles s’occupent surtout des finances du couple quand l’argent manque (c’est la « gestion de la misère »). Plus les foyers sont riches, plus les hommes ont le monopole des connaissances patrimoniales et des relations avec les professionnels de gestion de fortune, expliquent les autrices du Genre du capital. S’efforcer de s’intéresser très tôt à ces sujets, d’en parler avec ses pairs, des conseillers, des notaires, des amies… c’est essentiel !

 

3. Les anciennes protections patriarcales sont toujours pertinentes : régime de communauté des biens, prestations compensatoires, pensions alimentaires, pensions de réversion… continuent de jouer un rôle de redistribution. Ces protections atténuent les inégalités de genre. Évitons de les déclarer trop vite « obsolètes » ! En particulier avec l’arrivée d’un enfant, le mariage, un PACS ou tout autre contractualisation restent pertinents.

Illustration : Un grand merci à Wood et l’agence Virginie

Laetitia Vitaud

Laetitia Vitaud

Après avoir enseigné pendant dix ans la culture anglaise et américaine, Laetitia s’intéresse aujourd’hui à l’avenir du travail. Elle fait partie des experts de l’Institut Montaigne et est l’autrice de plusieurs ouvrages sur le sujet, dont notamment Du labeur à l’ouvrage aux éditions Calmann Lévy, dans lequel elle analyse les évolutions dont le travail fait l’objet à l’ère numérique. Par ailleurs, elle est Experte du Lab du média RH Welcome to the Jungle, co-fondatrice avec son compagnon Nicolas Colin de Nouveau Départ, un média “qui explore la crise et les transitions”. Elle est également l’autrice d’une newsletter sur l’avenir du travail avec une perspective féministe, Laetitia@Work.

Pour ViveS, Laetitia forme un duo de choc avec Valérie Lion, pour questionner et décrypter la place des femmes dans le monde du travail et l’économie.

LE + VIVES

https://vivesmedia.fr/wp-content/uploads/2022/10/CategorieLire.png

À LIRE

Des lectures rapides :

  • Un article de Notre Temps pour tout comprendre sur la prestation compensatoire.
  • Un article de La Croix sur la pauvreté des mères seules en 2020.
  • Mon article dans Welcome to the Jungle sur la « pénalité maternelle » et ses mécanismes.
  • Un article Madame Le Figaro consacré aux femmes qui prennent l’initiative des ruptures.
  • Une précédente newsletter ViveS « Je ne veux pas être une vieille pauvre ».
  • Une autre consacrée aux inégalités patrimoniales.
  • Les Tableaux de l’économie française, Édition 2020, de l’Insee, pour avoir tous les chiffres.
  • Les séparations : un choc financier, surtout pour les femmes, Cédric Lacour, Insee, 2018.

 

Des livres immanquables :

  • Le prix à payer de Lucile Quillet (Les liens qui libèrent, 2021) avec des pages éclairantes sur les séparations et leurs conséquences.
  • Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités de Céline Bessière et Sibylle Gollac (La Découverte, 2020) : ce livre décortique les raisons de la hausse des inégalités patrimoniales entre femmes et hommes.
https://vivesmedia.fr/wp-content/uploads/2022/10/CategorieVoir.png

À REGARDER

Une mini-série à voir :

  • Maid sur Netflix montre les galères d’une mère fraîchement séparée dans l’Amérique d’aujourd’hui. Une série en 10 épisodes, qui parle avec justesse du quotidien précaire des mères célibataires et isolées, des parcours administratifs inextricables, au travers de personnages intéressants et attachants.
https://vivesmedia.fr/wp-content/uploads/2022/10/CategorieEcouter.png

À ECOUTER

Un podcast :

  • « Oubliez le meilleur : côté argent, un couple doit toujours se préparer au pire », le 3e épisode du podcast Rends l’argent de Titiou Lecoq, par Slate Audio.

A lire aussi

Maladie et travail : l'ultime tabou
Formations Parlons Travail
Maladie et travail : l'ultime tabou

À quand remonte la dernière fois où vous avez montré votre vulnérabilité au travail ? Où vous avez fait part d’une difficulté à votre manager ? Où vous avez pleuré ? Je suis prête à prendre le pari que vous avez du mal à vous en souvenir… Et pour cause ! La vulnérabilité n’est a priori (et j’insiste) pas compatible avec le monde du travail. Un univers où la performance est le maître-mot. Un univers où la moindre petite faille pourrait – pense-t-on – nous être fatale. Alors on se tait. Pas un mot sur ce qu’on traverse de difficile. Le silence est d’or, n’est-ce pas ?

Laure Marchal
Éducation financière : le prix de la liberté
Parlons Argent
Éducation financière : le prix de la liberté

En cette période d’inflation record (6% fin 2022), inédite depuis quatre décennies, l’argent est devenu l’une des principales préoccupations des Français. Et pourtant, on ne parle pas facilement d’argent en France. En famille ou dans le couple, le sujet reste tabou. Un tabou qui entrave l’indépendance économique et financière des plus fragiles, notamment les femmes.

Valérie Lion
Stéphanie Gicquel, parlez-nous d'argent !
Parlons Argent
Stéphanie Gicquel, parlez-nous d'argent !

Exploratrice de l’extrême, sportive de haut niveau, conférencière et auteure, Stéphanie Gicquel ne recule devant aucun obstacle. Cette ancienne avocate spécialisée en fusion-acquisition détient même le record du monde de la plus longue expédition en Antarctique à pied et un record de France d’athlétisme. Pour mener cette vie extraordinaire faite de projets et de défis, elle a quitté le confort d’une carrière toute tracée au sein d’un prestigieux cabinet d’avocat. Une prise de risque financière qui lui offre beaucoup de liberté.

Olivia Villamy
Facebook icon Twitter icon instagram icon LinkedIn icon
Partenaires
Ça vous a plu ? Inscrivez- vous !
Newsletter Osons l'oseille Rencontres ViveS Académie Contactez-nous Ressources
Politique de confidentialité Mentions légales CGU CGV Gestion des cookies © 2023 BAYARD - Tous droits réservés

Le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves

La joie est une puissance, cultivez-la

Dalai Lama
Virginie Despentes
La joie est une puissance, cultivez-la
Dalai Lama
Le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves
Virginie Despentes
La Newsletter

Je m'inscris à la newsletter ViveS

Chaque semaine une dose d'empowerment économique et financier dans votre boîte mail

Vous avez déjà un compte ?

Texte dssf dssf dssf  dssf

mot de passe oublié ?

Créez un compte

Je suis du texte

Mot de passe

Votre mot de passe doit contenir des minuscules, des majuscules, des chiffres, des caractères spéciaux et faire au moins 8 caractères

* champs obligatoire

Vives c’est avant tout une newsletter, in rhoncus senectus elementum
(Nécessaire)
« Ces informations sont destinées au groupe Bayard, éditeur du site VIVEs. Elles sont enregistrées dans notre fichier afin de vous envoyer les newsletters que vous avez demandées. Conformément à la loi « Informatique et Libertés » du 6/01/1978 modifiée et au RGPD du 27/04/2016, elles peuvent donner lieu à l'exercice du droit d'accès, de rectification, d'effacement, d'opposition, à la portabilité des données et à la limitation des traitements ainsi qu'à connaître le sort des données après la mort à l'adresse suivante : dpo@groupebayard.com​. Pour plus d'informations, nous vous renvoyons aux dispositions de notre Politique de confidentialité sur le site groupebayard.com. »
Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.