“ 23 % des femmes avouent ne pas avoir osé négocier leur salaire ”
L’étude de rémunération réalisée en 2020 par le cabinet Robert Walters indique que « nombreuses sont encore celles qui n’osent pas demander » une hausse de salaire. En 2021, toujours selon ce cabinet, près d’une femme cadre sur deux se dit insatisfaite côté rémunération, contre moins d’un tiers des hommes. D’une part, en matière de négociation, « les hommes ont généralement des prétentions plus importantes ». D’autre part, 23 % des femmes avouent ne pas avoir osé négocier leur salaire, contre seulement 6 % de leurs homologues masculins.
Au bout du compte, selon une étude l’Insee parue en 2020, les femmes salariées du secteur privé gagnent en moyenne près de 17 % de moins que les hommes en équivalent temps plein (EQTP), c’est-à-dire pour un même volume de travail, tous âges et toutes professions confondues.
Certes, ce chiffre est dû pour une part importante aux discriminations salariales qui pénalisent le genre féminin, mais pas uniquement. Le même rapport de l’Insee indique que les écarts de salaire en EQTP entre les sexes croissent avec l’expérience professionnelle. « Ils sont relativement limités pour les personnes récemment entrées sur le marché du travail », précise l’Insee pour se creuser fortement pour ceux qui ont plus de 30 ans de carrière. Pourquoi ? Les femmes, les mères en particulier, occupent plus souvent des postes à temps partiel. Tandis qu’en parallèle, les hommes plus mobiles et disponibles changent plus facilement d’employeur, ce qui leur offre sur le long terme de meilleures progressions en terme de rémunération.
Cet écart augmente aussi avec le niveau de diplôme : 15,8 % pour les personnes sans baccalauréat contre 29,4 % pour les titulaires d’un Bac+3 ou plus. Presque le double ! Comment expliquer cet écart ? La négociation de la rémunération des salariés en statut cadre favorise la discrimination puisqu’elle repose sur un système basé sur l’individualisation via primes et bonus notamment.
Pour finir, à leur retour de congé maternité, beaucoup de femmes ne réclament pas l’augmentation qui leur est due depuis la loi de rattrapage salarial (circulaire de 2007) relative à l’égalité salariale entre femmes et hommes.
“Autocensure, manque de confiance en soi, syndrome de la bonne élève…”
Mais comment expliquer les réticences de la part des femmes à négocier une hausse de salaire ? Autocensure, manque de confiance en soi, syndrome de la « bonne élève » en attente de ses bons points…
Nombre de freins s’expliquent par les stéréotypes de genre qui conditionnent les femmes dans une moindre affirmation, ou qui les poussent à se concentrer sur les besoins des autres plus que sur les leurs. Alors que les hommes, dès leur plus jeune âge, sont incités à se battre, ils expriment plus volontiers leurs revendications. Les femmes n’ont le droit de travailler et d’ouvrir un compte en banque sans l’accord de leur époux seulement depuis 1965 ! Ceci explique aussi peut-être cela.
“ Pour obtenir, il faut formuler, surtout lorsqu’il s’agit des revenus ”
Et pendant que ces derniers progressent financièrement, elles font du surplace, une situation qui engendre frustration ou ressentiments et entraîne certaines à adopter une posture victimaire ou à une virulence contre-productive auprès des ressources humaines de l’entreprise. Pour obtenir, il faut formuler, surtout lorsqu’il s’agit des revenus. La question de la rémunération, et plus globalement de l’argent, est pourtant primordiale car elle est synonyme d’autonomie et d’indépendance économique, une liberté fondamentale pour tout individu.
Alors comment apprendre à formuler ? Le baromètre de l’égalité professionnelle de l’école de commerce Audencia et du cabinet KPMG publié en 2019 indiquait que 67 % des salariés sondés estiment qu’une formation à la négociation professionnelle leur serait utile. Pour surmonter ces freins particulièrement préjudiciables pour elles, Audencia propose depuis 2017 une formation gratuite appelée Négotraining. Plus de 3100 femmes âgées de 43 ans en moyenne, cadres pour la plupart, ont déjà suivi une session d’entraînement.
À partir de jeux de rôles, de grilles d’analyse, d’évaluation du poste et du salaire et avantages, il s’agit de repérer ses compétences pour définir sa valeur et son employabilité, et monter une stratégie efficace et pertinente. « Six mois après la formation, j’ai changé d’employeur, témoigne Camille, cheffe de produits, 31 ans. Grâce aux techniques proposées, j’ai pu négocier mon salaire à l’embauche avec confiance et sérénité. J’ai obtenu une augmentation significative à la fin de la période d’essai, notée noire sur blanc dans le contrat. Un premier pas décisif puisque j’ai pu négocier une deuxième hausse un an après mon embauche. »
Illustration : un grand merci à Rokovoko
Source chiffre : étude de rémunération 2021 de Robert Walters