L’ancienne arrière de l’équipe de France de handball, championne du monde en 2003, a mis un terme à son activité sportive après 20 ans de carrière de haut niveau. Depuis elle cumule les casquettes : psychologue, préparatrice mentale et présidente de la ligue professionnelle féminine de handball. Nous l’avons interrogée sur son rapport à l’argent et les expériences qu’elle a vécues à ce sujet.
A quoi ressemble votre portefeuille ?
Nodjialem Myaro : C’est un portefeuille noir. Un modèle assez imposant de la marque Mont-Blanc. Il y a même mes initiales gravées dessus. C’est la fédération européenne de handball qui me l’a offert, je ne me le serais jamais acheté sinon.
Combien avez-vous dans votre portefeuille ?
N.M. : J’ai très peu de monnaie sur moi. Là, j’ai un billet de cinquante euros mais c’est exceptionnel. La pandémie a accéléré cette tendance, je paye presque tout par carte. Le sans contact c’est trop pratique.
Êtes-vous plutôt cigale ou fourmi ?
N.M. : Je ne suis pas une grosse dépensière. J’ai des périodes où je dépense plus, quand je renouvelle ma garde-robe par exemple. Mais je ne suis pas obsédée par l’argent, je cultive même un certain détachement. J’aime quand les choses sont équilibrées. Je regarde très peu mes comptes parce que je connais mes ressources et mes dépenses. Je vais plutôt m’offrir des petits plaisirs, un restaurant ou un plat à emporter ou de beaux objets mais jamais dans des marques trop chères ou des objets dernier cri.
Vous souvenez-vous de votre premier salaire ? Comment l’avez-vous dépensé ?
N.M. : J’ai commencé par un petit job d’été lorsque j’avais 16 ans. J’ai travaillé dans les champs, pour la récolte du maïs et du melon. C’était un travail difficile mais qui payait bien. Je me suis sentie riche ! Avec l’argent je me suis acheté quelques vêtements et sûrement payé une ou deux sorties en ville. Des choses simples qu’on fait à l’adolescence.
Votre dernier achat fou ?
N.M. : En voyage, je peux craquer pour une œuvre d’art. J’ai ramené des masques africains de Madagascar mais le prix n’était pas très élevé. Je reste toujours raisonnable. Prochainement, je prévois de m’acheter un sac à main. Je n’irai pas m’acheter un sac à 2 000 euros parce que je trouve ça indécent. Si j’ai un coup de cœur et qu’il dure longtemps, je peux m’autoriser un sac à 300 euros.
Ce que vous rêveriez d’acheter mais que vous n’osez pas ?
N.M. : Une grande maison secondaire entourée par la nature où l’on entend les cigales et où je pourrais accueillir toute ma famille. Ce n’est pas que je n’ose pas mais plutôt que je n’ai pas encore les moyens ! (rires)
La dépense qui vous fait du bien ?
N.M. : Une dépense qui ne me fait pas culpabiliser. Ça peut-être un restaurant, un vêtement, un voyage. Des moments partagés ou solitaires, tant que le plaisir justifie la dépense.
Un achat inutile pour vous c’est quoi ?
N.M. : Quelque chose de cher mais qui ne fait pas plaisir. Je ne comprends pas ceux qui achètent pour montrer qu’ils ont de l’argent. En vieillissant, on apprend à mettre les curseurs ailleurs.
Quand et comment l’argent est-il entré dans votre vie ?
N.M. : A l’âge de 18 ans, j’ai été recrutée par le club de Metz. J’ai commencé à gagner un peu d’argent, le club me payait mon logement, mes études et mon permis de conduire. J’ai appris très tôt à faire attention, à épargner. J’ai grandi dans le quartier du Mirail à Toulouse, on n’était pas pauvres mais ma mère a galéré pour élever ses cinq enfants. Elle était institutrice au Tchad, dans le pays où je suis née. Quand elle est arrivée en France, elle est devenue femme de ménage puis couturière. Elle a finalement repris ses études pour travailler en tant qu’aide médico-psychologique dans les maisons de retraite. C’est elle qui m’a transmis cette valeur de l’argent. Dès que j’ai pu aider financièrement en retour je l’ai fait. Par exemple, quand je rentrais à Toulouse, j’allais faire les courses.
On vous demande de l’argent dans la rue, que faites-vous ?
N.M. : Si j’ai de la monnaie, je donne. On peut être touché par quelqu’un dans la rue, il suffit d’un regard.
Est-ce que vous donnez régulièrement ? A quelles associations ?
N.M. : Rarement des sommes d’argent. En revanche, je donne régulièrement des vêtements ou des objets que je n’utilise plus. Je ne jette que ce qui est hors d’usage, pour le reste je donne.
Dans votre couple, faites-vous un portefeuille commun ? Qui paie quoi ?
N.M. : On a un compte joint pour rembourser le crédit de notre maison et pour tous les achats qui concernent les enfants et l’alimentation. On garde aussi chacun un compte personnel. Cette organisation s’est mise en place naturellement. Comme on n’est pas très dépensiers, on sait très bien qu’il n’y aura pas d’abus.
L’Europe lance un nouveau billet. Vous avez le choix de la personnalité. Vous choisissez qui ?
N.M. : La planète Terre ! Quelque chose de symbolique qui nous unit tous. Quelque chose qui est en danger aussi. Je suis de plus en plus sensible à la question environnementale même si je ne suis pas un modèle car je roule encore beaucoup en voiture, du fait de mon lieu de vie.
Vous trouvez un billet de 50 euros dans la rue, vous en faites quoi ?
N.M. : Je le ramasse ! Je vais en profiter pour acheter un plat à partager qu’on puisse manger en famille le soir.
Qui a le droit de toucher votre portefeuille ?
N.M. : Pas grand monde. Peu de gens le touchent, j’estime que c’est perso. Mes enfants ont le droit mais seulement quand je leur demande de chercher quelque chose à l’intérieur.
Selon vous, qu’est-ce qu’une femme devrait toujours avoir dans son portefeuille ?
N.M. : Une pièce d’identité de quoi être reconnue, une carte bleue et une carte vitale.
Qu’est-ce qui manque dans le vôtre ?
N.M. : Rien ! Je suis toujours parée. Il manque peut-être les photos de mes enfants mais elles glissaient, je les ai mises en sécurité dans une petite trousse de toilette qui est toujours dans mon sac.
Une journée sans portefeuille, ça ressemble à quoi ?
N.M. : Ce n’est pas top. Quand je l’oublie, je ne me sens pas à l’aise. Si je dois payer quelque chose, ce n’est pas l’idéal.
Le meilleur conseil sur l’argent que vous ayez reçu ?
N.M. : « Gagner son propre argent » et c’est ma mère qui me l’a donné. Très tôt, c’était très clair dans ma tête.
Celui que vous aimeriez donner aux femmes ?
N.M. : Gagner suffisamment d’argent pour ne pas dépendre d’une personne ou d’un système. On pense tout de suite au mari mais la société aussi peut empêcher les femmes de choisir leur vie librement. Je pense aux discriminations à l’embauche notamment, on refuse encore des postes clés à des femmes compétentes à cause de leur sexe. Il faut éduquer les enfants pour tendre vers plus de parité mais ça prend du temps.
Qu’est-ce qui, selon vous, freine encore les femmes ?
N.M. : Les inégalités salariales ! Dans le monde du sport, c’est encore flagrant. Quand j’ai commencé le handball, nous n’avions pas les mêmes primes, ni les mêmes indemnités journalières que les garçons. Aujourd’hui, l’écart s’est réduit, car la fédération a corrigé le tir. Ainsi, les primes données aux joueurs et aux joueuses sont identiques en équipe de France. En revanche, le salaire moyen au sein du championnat varie encore du simple au double. Un handballeur gagne en moyenne 6 737 euros brut contre 3 056 euros pour une handballeuse.
Quel conseil donneriez-vous à une jeune sportive ?
N.M. : Continuer ses études ! Avoir un double ou un triple projet. Aujourd’hui le salaire moyen d’une handballeuse tourne autour de 3 000 euros brut par mois, c’est beaucoup plus que lorsque j’ai commencé mais ça ne suffit pas pour assurer une carrière. Il faut construire un projet de vie à côté. Ça nécessite de l’organisation, de la patience, de la rigueur. Moi, j’ai eu la chance d’avoir la psychologie comme autre passion. J’ai étalé mes études sur sept ans au lieu de cinq.
Dans quel portefeuille aimeriez-vous vous glisser ?
N.M. : J’irais bien voir dans le portefeuille d’Emmanuel Macron. Juste pour savoir, le rapport à l’argent est particulier chez lui mais je ne suis pas sûre que j’apprendrais grand-chose. Autrement, les personnes qui m’intéressent le plus sont sûrement celles qui portent le moins d’attention à leur portefeuille. Je pense à des personnalités comme Nelson Mandela.
Votre « cash modèle » féminin ?
N.M. : Pour moi, l’argent n’est pas synonyme de réussite. Les mères qui arrivent à boucler les fins de mois avec quatre bouts de ficelles, le sourire et qui font en sorte que leurs enfants ne manquent de rien sont de vrais modèles. A mon sens, c’est bien plus difficile et plus honorable que d’accumuler sur un compte en banque. A un moment donné l’argent atteint un plafond de verre, quel intérêt d’en avoir toujours plus ?
Illustration : un grand merci à Marie Lemaistre et l’agence Fllow