Combien de minutes avez-vous consacré, le mois dernier, à la lecture de votre fiche de paie ? L’avez-vous seulement consultée ? Et si oui, avez-vous regardé autre chose que la fameuse case en bas à droite : votre salaire net ?
Soyons honnête : la fiche de paie doit sa popularité à sa dernière ligne. C’est vers elle que se tournent tous nos regards… et nos espoirs ! Le reste passe trop souvent inaperçu. Pourtant, les autres lignes ont aussi leur importance. Elles témoignent des nombreuses cotisations que nous payons, elles dessinent notre futur et d’une certaine façon, reflètent notre modèle social. Chaque ligne témoigne ainsi d’un engagement collectif hérité de notre histoire et qui rythme notre quotidien : santé, chômage, retraite… Derrière cette addition de prélèvements se cachent aussi des clés pour mieux comprendre notre système de protection social et préparer notre avenir financier.
Le mensuel le plus lu de France
La fiche de paie est consultée à sa réception par 74 % des actifs salariés, soit en moyenne 15 millions de Français sur les 20 millions d’actifs salariés que compte notre pays.
Jamais la fiche de paie n’a concerné autant de femmes qu’aujourd’hui. En 1962, seules 40 à 45 % des femmes âgées de 30 à 50 ans étaient actives, selon l’Insee. Elles sont désormais plus de 80 %.
Il existe au moins deux explications à cette évolution : la meilleure reconnaissance des activités féminines autrefois invisibles (par exemple dans l’agriculture, avec la création du statut de conjoint collaborateur, ou dans les métiers de la petite enfance, avec la formalisation du statut d’assistante maternelle) et la transformation profonde de la société qui a vu les femmes investir massivement le marché du travail depuis soixante ans.
Autrement dit, la quasi-totalité des femmes en âge de travailler perçoivent aujourd’hui un revenu. Parmi elles, 90% sont salariées (INSEE), et donc reçoivent une fiche de paie.
Ce document est souvent le premier révélateur des inégalités salariales entre femmes et hommes, et peut même devenir un levier juridique. C’’est ainsi qu’une tradeuse salariée d’une société d’investissement, convaincue d’être moins bien payée que ses collègues masculins, a demandé à avoir accès à leurs fiches de paie. Après le refus de son entreprise, le dossier est allé jusqu’à la Cour de cassation, qui lui a donné raison : la salariée devait pouvoir accéder aux bulletins de ses collègues pour prouver la discrimination. L’écart salarial constaté était de 20 à 30 %.
Laetitia Vitaud l’avait déjà expliqué dans cette newsletter ViveS : en partant de la fiche de paie, la transparence salariale est un outil utile pour renforcer l’égalité professionnelle et réduire les écarts de rémunération. En donnant le même niveau d’information à tous les salariés, elle rééquilibre le dialogue et redonne du sens à la négociation salariale. En France, la directive européenne sur la transparence salariale, adoptée en mars 2023 par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne, doit être transposée dans le droit français d’ici le 7 juin 2026.
Mais les inégalités ne se logent pas seulement dans le salaire. Bien comprendre sa fiche de paie peut permettre d’éviter d’autres mauvaises surprises.
La prévoyance : une affaire de femmes
Savoir ce qu’on gagne, ce qu’on cotise, et ce à quoi on aura le droit plus tard : voilà les premiers pas vers l’autonomie financière. Bonne nouvelle : toutes ces informations apparaissent sur votre bulletin de salaire. Car, si on négocie son salaire en brut, on le reçoit en net. Et entre les deux apparaissent les cotisations qui financent notre modèle social, prélevées directement sur le salaire pour contribuer, par exemple, à la santé ou à la retraite (celle des retraités actuels, pas encore la vôtre !)
Pourquoi ces informations sont-elles précieuses pour les femmes en particulier ?
D’abord, nous vivons plus longtemps que les hommes, en moyenne six années supplémentaires. Cette perspective de plus grande longévité s’accompagne d’une santé parfois plus fragile : les femmes sont plus sujettes à certaines maladies chroniques et peuvent arriver à la retraite avec davantage de problèmes de santé. Comprendre sa couverture maladie est donc essentiel, en raison de dépenses de santé potentiellement plus lourdes.
Anticiper sa retraite l’est aussi. Le parcours professionnel des femmes les expose à un risque accru de précarité : elles sont plus nombreuses à occuper des emplois à temps partiel, elles connaissent plus souvent des interruptions de carrière, elles prennent des congés parentaux ou se heurtent au plafond de verre. Ces spécificités contribuent à réduire leurs revenus. Nous l’avons rappelé dans notre dernière newsletter, les hommes perçoivent en 2025 une pension de retraite 62 % supérieure à celle des femmes. Parmi les retraités vivant avec moins de 1 000 euros par mois, trois quarts sont des femmes !
L’indépendance financière ne se limite pas à épargner, négocier son salaire ou préparer sa retraite. Elle commence par la compréhension de ce que l’on cotise, des assurances que l’on finance (maladie, chômage, retraite). La prévoyance est au cœur de cette indépendance : elle permet d’anticiper une vie plus longue et de rester maître de son destin professionnel et personnel.
L’éducation financière : une urgence pour tous
Votre bulletin de paie est donc un outil qui permet de dessiner la carte de votre futur. Mais combien d’entre nous le comprennent vraiment ? Dans sa dernière étude Fiche de paie, miroir social, le Club Landoy a posé la question aux salariés français.
Parmi les actifs interrogés, seuls 13 % déclarent comprendre toutes les cotisations inscrites sur leur fiche de paie, tandis que 66 % disent n’en comprendre que quelques-unes et 20 % aucune. Si la fiche de paie est le mensuel le plus lu de France, elle est aussi le moins bien compris.
En parallèle, l’étude révèle qu’il n’existe pas d’écarts de compréhension entre les sexes.
Ces écarts se situent ailleurs : dans la taille de l’entreprise, le niveau d’étude, l’âge ou encore le type de secteur d’emploi (public ou privé). Le manque de repères touche tous les salariés, peu importe le genre, l’âge ou le niveau de responsabilité.
Pour répondre à ce besoin de compréhension, le Club Landoy organise le 20 novembre à la Communale de Saint-Ouen, un événement entièrement dédié à l’éducation financière, dont ViveS est partenaire : T’as vu ton net.
Vingt ateliers sont proposés, chacun pensé pour donner des clés concrètes afin d’anticiper son avenir économique. Certains nous semblent essentiels pour les femmes : Temps partiel, j’évite les mauvaises surprises ; Je découvre les aides que je ne réclame pas ; Je complète ma future retraite grâce à l’épargne retraite individuelle, mais tous ont le même objectif : donner à chacun et chacune des clés de compréhension et, par extension, le pouvoir d’agir.
Se former, c’est refuser d’être seulement spectatrice de sa vie économique. Le 20 novembre après-midi, nous invitons chacun et chacune à franchir cette première étape : apprendre à décrypter sa fiche de paie et à l’utiliser comme un outil pour se réapproprier son destin financier.