L’an dernier, ViveS avait voulu en savoir davantage sur le rapport des femmes à l’argent. Nous avions lancé notre premier baromètre et appris à quel point les femmes n’avaient pas un rapport apaisé avec l’argent, même si elles sont majoritairement en charge de la gestion du budget quotidien du ménage. Ce n’était pas le moindre des paradoxes révélés par cette étude.
30 questions pour comprendre notre relation à l'argent
Pour la deuxième édition de notre baromètre, nous avons voulu savoir si les hommes réagissaient comme les femmes. Nous leur avons donc posé les mêmes questions, trente au total. Représentations de l’argent, capacité à en parler, connaissances financières, pratiques de dépenses, de gestion, d’épargne et d’investissement, négociation de salaire, etc. : nous avons passé au crible le comportement des Français dans ce domaine.
Une bonne nouvelle pour commencer, souligne François Legrand de l’IFOP : les femmes connaissent leurs finances au même titre que les hommes, qu’il s’agisse du montant de leurs rentrées d’argent mensuelles (90%), du montant de leurs impôts (81%), ou de leurs dépenses totales mensuelles (79%). D’ailleurs, la volonté d’épargner est tout aussi forte chez les femmes que chez les hommes.
La mauvaise nouvelle ? Les revenus des femmes restent en moyenne inférieurs à ceux des hommes, donc leur volonté d’épargner se heurte à une capacité moindre. Parmi les hommes en couple de l’échantillon interrogé, deux tiers gagnent plus que leur conjointe. Parmi les femmes en couple interrogées, la moitié gagnent moins que leur conjoint. Résultat : 29% d’entre elles n’épargnent pas car elles n’ont pas les moyens de le faire (contre 21% des hommes).
Un point commun : notre manque d’éducation financière
En dépit de ces écarts importants, quel que soit notre sexe, nous partageons un point commun : un faible niveau d’éducation financière. 82% des femmes et 70% des hommes disent manquer de connaissances en matière de produits financiers. Seulement un petit tiers de Français (31% des hommes et des femmes) déclare avoir reçu des conseils de gestion financière de la part de leurs parents. Et une majorité estime ne pas en avoir obtenu de son banquier : c’est le cas de 55% des femmes et 57% des hommes ! D’ailleurs les deux tiers de l’ensemble des répondants avouent ne pas faire confiance aux conseillers financiers.
Pire, plus de la moitié des femmes (51%) et des hommes (52%) affirment que l’argent était un sujet dont on ne parlait pas dans leur foyer. Pour l’éducation financière, on repassera… Et ce tabou les poursuit dans leur vie d’adulte : moins de la moitié des femmes (49%) et des hommes (43%) interrogés dans notre étude parlent souvent de salaires et de revenus avec leur conjoint. Ils en parlent encore moins avec leurs enfants : 1 femme sur 5 le fait mais seulement 7% des hommes…
Cette ignorance nous empêche d’investir, notamment pour la retraite
Alors évidemment, on ne s’étonnera pas d’apprendre que moins de 50% des Français savent bien ce que sont un PEA, un PER, une SICAV. L’assurance-vie reste le placement financier le plus connu, et même davantage par les femmes : 83% d’entre elles déclarent « voir bien de quoi il s’agit » (77% des hommes).
Conséquence de cette méconnaissance des produits financiers, les Français possèdent peu de placements, et les femmes encore moins que les hommes : elles sont 37% à déclarer une assurance-vie en euros (40% des hommes), seulement 23% à posséder une assurance-vie en unités de compte (31% des hommes), 21% un plan épargne retraite (23% des hommes), 16% un PEA (22% des hommes).
Mais là où le fossé se creuse vraiment, c’est dans le temple de la finance : la Bourse. Certes, l’investissement sur les marchés actions concerne une minorité de Français (1,4 million d’investisseurs actifs en 2022 en France selon l’AMF) mais le rapport est du simple au double entre les femmes et les hommes : seules 15% des femmes interrogées dans notre étude IFOP disent investir en Bourse contre 32% des hommes. Elles sont 9% à posséder un compte-titres de sociétés cotées contre 21% des hommes. Il est vrai que la Bourse n’a été ouverte aux femmes qu’en 1967, il y a 55 ans seulement…
Les raisons pour lesquelles les femmes n’investissent pas en Bourse sont en revanche les mêmes que celles avancées par les hommes qui ne le font pas : revenus et connaissances considérés comme insuffisants, crainte de perdre l’argent investi.
Ainsi, notre enquête montre que les freins à l’exercice d’une pratique financière sont identiques chez les hommes et les femmes. Et les conséquences sont les mêmes pour les deux sexes : seulement un tiers des Français épargnent pour leur retraite – 33% des femmes et 35% des hommes. Seuls 14% des hommes et 11% des femmes citent en premier la retraite comme un motif d’investissement. Les Français sont d’abord motivés par le fait de sécuriser leur épargne. D’ailleurs, hommes ou femmes, en cas de réception d’une grosse somme d’argent, le premier réflexe est de la consacrer à un achat immobilier, le placement préféré des Français !
Un rapport complexé à l’argent qui pèse sur les Français
Profitons-en ici pour battre en brèche une idée reçue : la fameuse aversion au risque qui serait une caractéristique typiquement féminine. Elle est en fait aussi largement présente chez les hommes. Ainsi 82% d’entre eux avouent ne pas avoir envie de prendre des risques avec leur argent – c’est le cas de 95% des femmes. « Cela est à mettre en rapport avec leur éducation financière, où elles ont été plus sensibilisées sur le prix des choses, les dépenses, les économies (54%), que les hommes (46%) », rappelle François Legrand.
Ce rapport complexé à l’argent pèse sur l’avenir des Français mais aussi sur leur présent : seulement 42% des femmes et 49% des hommes disent connaître leur juste valeur salariale. Et quand il s’agit de se mobiliser pour gagner plus, les femmes expriment toujours davantage de difficultés : seules 41% se disent à l’aise pour négocier un salaire lors d’un entretien d’embauche et 44% pour demander une augmentation. Alors que les hommes sont respectivement 58% et 57% à être à l’aise dans ces situations. Un écart significatif et persistant qui doit nous alerter.
Quelques pistes de changement
Comment changer la donne ? En parler d’abord ! Se former ensuite. 42% des hommes et 34% des femmes interrogés se disent intéressés par des formations. Chez les jeunes femmes (18-34 ans), elles sont même plus de 60% à être séduites par cette idée, relève François Legrand. Les nouvelles générations vont peut-être renverser la table…
Et n’attendons pas pour adopter les bonnes pratiques de base : un quart des femmes en couple interrogées dans notre étude ne disposent pas de compte personnel ! Dans le cas d’une vie à deux, le compte commun reste l’outil privilégié des dépenses. En revanche, les plus jeunes prônent le partage 50/50 et la contribution proportionnelle en fonction du salaire.
Une réalité demeure toutefois : la gestion très genrée des dépenses. 57% des femmes déclarent s’occuper des dépenses courantes contre 33% des hommes ; 54% des hommes déclarent s’occuper des placements financiers contre 37% des femmes.
Alors, une petite suggestion pour terminer : si vous échangiez les rôles, juste pour voir ? La prochaine fois, c’est madame qui prendra rendez-vous chez le banquier et c’est monsieur qui ira remplir le frigo !
Illustration : un grand merci à Marie Lemaistre et l’agence Fllow.