Celle qui m’a permis de m’écouter, quitte à me tromper - Mélissa-Asli Petit
C’est ma mère qui m’a fait mon plus beau cadeau. En Terminale, quand j’ai commencé à discuter avec elle de mon orientation professionnelle post-bac, elle m’a tout de suite dit : « Choisis ce qu’il te plait. ». Avec ces quelques mots, elle m’a donné la possibilité d’écouter mes envies et de tenter la voie des études, puis de viser un métier qui me plairait. Elle a insisté également sur la possibilité de bifurquer si la voie sélectionnée était trop difficile pour moi.
Cette liberté de choix s’est doublée d’une responsabilité et d’une autonomie. Issue des classes populaires et élevée par une mère célibataire, je devais choisir tout en étant consciente du travail à effectuer et d’un équilibre à trouver avec un job étudiant pour financer mon quotidien.
J’ai donc décidé de me lancer dans des études de sociologie et ce choix a été déterminant car j’en ai fait mon métier. Vingt ans plus tard, ce conseil résonne encore en moi comme une clé pour entreprendre dans n’importe quel domaine de ma vie.
Celles qui m’ont mise au centre et consolée - Laure Marchal
C’était l’année de mes 40 ans. Une année bousculante, avec des deuils. Aucune envie de fêter mon anniversaire car le cœur n’y était pas. Mais c’était impossible pour mes amies Julie et Marilyne de me laisser en plan le soir de mes 40 printemps. Avec beaucoup de délicatesse, elles ont organisé une soirée en toute simplicité. Entourée des meilleurs, de mes enfants et mon mari, j’ai donc soufflé mes bougies le cœur rempli d’amour. J’ai été très émue de ce moment créé rien que pour moi. D’abord, parce qu’il était très juste. Pas de surenchère ni de cotillons qui n’auraient pas eu leur place. Ensuite parce que Julie, comme Marilyne, ont des vies très remplies. Elles ont réussi à prendre un temps entre leurs insomnies causées par leur bébé respectif et leur vie professionnelle active. Quel cadeau que de donner le temps que l’on n’a pas !
Celle qui m’a permis d’aimer comme un père - Yves Deloison
Le plus beau cadeau que m’a offert la vie, je le dois à Mô, mon ex-femme. La première fois que nous nous voyons, j’ai 22 ans. Je suis jeune. Très vite, je rencontre Julien, son fils. Il a 8 ans. C’est un gamin joyeux, souriant, attachant. Direct, on se marre. Quelques semaines plus tard, Mô et moi nous nous installons ensemble. Plus précisément, je débarque chez elle avec mes fringues et quelques affaires. Il faut peu de temps pour qu’à trois, nous formions une famille. Chacun trouve rapidement sa place. À l’époque, je n’en ai pas conscience mais pour mon âge, j’assume des responsabilités hors-normes. J’accompagne Julien dans son travail scolaire. Je me rends aux réunions parents/profs. À la maison, je fais la bouffe midi et soir parce qu’il aime ça. Il sait que ce n’est pas le truc de sa mère qui se consacre déjà à bien d’autres tâches. Je me sens responsable et engagé auprès de lui. Sans réticence, sans résistance, bien au contraire, Mô encourage la relation plus que filiale qui s’instaure entre nous deux. L’affection est réciproque. On s’amuse. On plaisante. On rit. Parfois, je l’engueule. Même ado, il reste un gentil môme. Plus il grandit, plus le lien se renforce. J’ai partagé le quotidien de Julien durant 10 ans. Quand Mô et moi nous sommes séparés, je suis resté très proche de lui. Il m’arrive de m’inquiéter pour lui. Je me fais du souci quand il ne va pas bien. Nos liens ne se sont jamais distendus. J’ai eu la joie et le bonheur de le connaître et de pouvoir jouer un rôle auprès de lui. J’étais son papou comme il m’appelait. Depuis quelques semaines, Julien n’est plus. Sa mère et moi partageons l’immense douleur de l’avoir perdu. Plus encore aujourd’hui, je sais que Mô m’a offert un présent inestimable, celui d’avoir pu occuper une place privilégiée auprès de son gamin, de mon gamin…
Celles qui m’ont donné l’exemple du courage - Anne-Laure Fournier le Ray
Ce sont deux femmes, qui n’étaient plus de ce monde quand elles m’ont fait leur plus beau cadeau. Mes deux grands-mères.
Enfant, je n’ai connu que Mamie et Moune, hautes comme trois pommes, qui m’emmenaient dans les salons de thé où j’avais le droit de me casser le ventre de délices sucrés.
C’est bien plus tard, en écoutant mes parents, que j’ai découvert qu’elles étaient aussi Jeanne et Élise. Nées dans un milieu rural ou carrément pauvre, elles ont fini dans l’aisance que peut donner une vie passée à travailler dur, à apprendre en travaillant, et à oser.
A 35 ans, Jeanne est partie d’Auvergne, seule, traverser les mers jusqu’en Indochine pour épouser un inconnu rencontré lors d’une cure thermale. Elle a travaillé à ses côtés, en tenant les comptes de leur petite société qui a prospéré.
Quant à Élise, fille d’émigrés italiens, elle a tenu le Bar du Peuple qui existe toujours à Marseille. De sous économisés en petit pécule, elle a acheté un minuscule appartement à Cassis, qu’elle a retapé et décoré, puis revendu. Avant de racheter à nouveau. Son mari désapprouvait, elle ne s’est pas démontée et a réussi ses affaires.
Ces deux femmes sont devenues pour moi, sans jamais le savoir, ma référence inspirante. Elles ont posé des choix audacieux pour elles et pour l’époque. Elles se sont saisies du travail pour modeler leur vie. Chaque jour ou presque, j’ai une pensée pour ces petites femmes décidées qui m’encouragent à être libre.
Celles qui m’ont aidée à construire des relations saines - Catherine Laurent
Cela n’arrive pas qu’aux autres… J’ai été harcelée au travail par l’une de mes chefs à une époque où je ne savais même pas ce qu’était le harcèlement moral. Un dimanche, je raconte mes difficultés à la mère d’une amie, ancienne DRH, qui me conseille d’en parler aux ressources humaines de mon entreprise. Terrorisée, je lui dis que c’est impossible, que si ma chef l’apprend ce sera pire encore. Elle me regarde et répond : « Mais est-ce que ça peut être pire ? » Je réalise que non… Je décide alors d’en parler, et de me défendre. A la suite de cela, j’ai découvert le livre de Marie-France Hirigoyen publié en 1998, « Le Harcèlement moral : la violence perverse au quotidien », et c’est une révélation. C’est grâce à cette psychiatre que la notion a été introduite dans le code du travail en 2002. Ces deux femmes m’ont aidée à prendre conscience des abus au travail et à construire des relations professionnelles saines. Une base indispensable pour ne jamais tolérer l’inacceptable. C’était un cadeau mal emballé, mais un cadeau quand même !
Celle qui m’a autorisée à être ambitieuse - Valérie Lion
J’avais 14 ans et c’était décidé, je serais journaliste. Je regardais L’Heure de vérité avec mon père, je dévorais les livres de Benoîte Groult et Claudia Cardinale dans la bibliothèque de ma mère, je noircissais un cahier de critiques de films – tous les Hitchcock dont l’écriture me fascinait. J’étais élève dans un collège de quartier sans prétention, dans une ville moyenne sans histoire. Quand ma prof de français nous a demandé quel métier nous voulions exercer plus tard, j’ai répondu sans hésiter. Je me souviens de cette grande femme brune, élégante et bienveillante. Elle m’a écouté attentivement et m’a regardé droit dans les yeux : « Valérie, ça ne va pas être facile, tu vis en province, tu n’as pas de connexion avec ce monde, mais si c’est ce que tu veux, tu feras ce qu’il faut pour y parvenir et tu vas réussir. » Le défi que je me lançais, elle l’a saisi au vol et me l’a renvoyé, encore plus haut, encore plus fort. Ce n’était pas un encouragement, c’était mieux que ça : une façon d’inscrire cette ambition sur ma ligne de vie. Un sacré cadeau pour l’ado que j’étais, avec son rêve en bandoulière.
Illustration : un grand merci à Marie Lemaistre et l’agence Fllow