Sans argent, la plus belle des idées ne peut pas décoller
La devise « En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées » nous a longtemps bercés. Bercés d’illusions, oui ! Car l’idée ne suffit pas. Ce qui compte, rappelle tout de go Sandra Le Grand, multi-entrepreneure et experte de l’entrepreneuriat, « c’est l’exécution ». Et qui dit exécution, dit moyens, dit… financement.
Elle est belle, votre idée. Elle a sans doute beaucoup de sens. Mais sans argent, elle va retomber comme un soufflé.
Savoir financer son projet, voilà la clé de la réussite. Quel que soit le projet : une association, une entreprise, une activité en free-lance. « Il faut aider les femmes qui se lancent à se rendre compte qu’elles sont dans une démarche d’entrepreneure, les sensibiliser au financement et à l’accompagnement », explique Céline André, déléguée générale de Femmes des Territoires. Ce réseau d’entraide et de soutien pour les femmes porteuses de projet a lancé l’an dernier le MOOC « Je finance mon projet ». Entièrement gratuit, il offre un parcours en ligne articulé en 5 séquences, avec des vidéos d’experts, des témoignages d’entrepreneures, des ressources, des quiz et un forum pour échanger. Fort du succès de la première édition qui a attiré 2000 participantes, le MOOC va redémarrer pour une deuxième saison le 16 octobre.
Pour “faire de l’argent”, il faut penser autrement et travailler autrement
Sandrine Tarditi a créé son entreprise en 2019, après avoir été salariée pendant vingt-cinq ans. Elle a suivi la saison 1 et s’apprête à replonger : « Cela m’a permis de désacraliser le sujet de l’argent », se félicite-t-elle. Spécialiste en comptabilité-gestion, elle a monté une société de conseil en investissements financiers pour les particuliers, professions libérales et chefs d’entreprise. Les chiffres, ça la connaît. Mais quand il a fallu vendre ses prestations, fixer ses honoraires, elle n’a pas su faire. « Je donnais des conseils sans rémunération, en offrant la première consultation, ou j’échangeais mes honoraires contre de la recommandation avec une commission sur la vente de solutions. » Le MOOC a agi comme un électrochoc : « J’ai compris que ce qui est gratuit n’a pas de valeur. J’ai complètement changé mon approche commerciale. Désormais je fais des devis d’audit patrimonial. Une fois le devis validé, j’établis mon diagnostic, puis je propose un suivi ou la mise en œuvre de solutions ».
Oubliez la phrase qui tue : « Je vous fais un petit devis », je vous vends un « petit service ». Sandra Le Grand fait partie des expertes qui interviennent dans le MOOC. « Il faut assumer son prix, être en rapport avec le marché et la valeur de ce qu’on apporte », martèle cette fonceuse. Pas toujours facile, Sandrine Tarditi l’avoue : « Quand je multiplie mon taux horaire par le nombre d’heures, je me dis que c’est beaucoup… ».
Caroline Kraeutler, responsable du marché des professionnels et des entrepreneurs chez BNP Paribas, également intervenante dans le MOOC, l’assure d’emblée : « Un entrepreneur ne doit pas se mettre de limite et ne doit pas avoir peur de faire de l’argent. Cela permet de réinvestir pour se développer ».
Magali Planes-Billon est coordinatrice de l’antenne de Bordeaux-centre de Femmes des territoires. Son constat est sans appel : « La plupart d’entre nous recherchent à travers leur activité une source d’épanouissement mais, de manière consciente ou inconsciente, la faire fructifier et en vivre n’est pas notre priorité. Résultat : ça vivote ». Question argent, Magali s’est plutôt mise en sécurité : salariée à 80%, elle développe son offre de conseil en communication personnelle et stratégique sur le reste de son temps de travail. Elle aussi a suivi le MOOC l’an dernier. Et pris conscience qu’elle devait travailler autrement. « J’ai financé le démarrage de mon activité avec mes sous… justement ce qu’il ne faut pas faire ! Et je me disais : je dépense tant, donc je dois gagner tant. Ce n’est pas forcément le bon raisonnement… ».
Des passages obligés : tout compter, tout prévoir y compris sa paie
L’accès au financement est le premier frein à l’entrepreneuriat des femmes. C’est ce que déclarait 1 femme sur 2 dans l’étude confiée par l’Adie au groupe Egae en 2022. Pour franchir ce mur, mieux vaut le regarder en face. Sandra Le Grand insiste : « Il faut mettre les moyens financiers et humains nécessaires au projet. Commencer par ses charges – matériel, loyer, salaire – et les faire croître d’année en année. Puis évaluer ses revenus à partir d’hypothèses si possible testées en amont. Cela s’appelle un business plan et ça permet de savoir de quel montant d’argent on a besoin ». Et au passage, de ne pas penser ”petit”.
Ça commence par des choses toutes bêtes : ne pas travailler avec son ordinateur personnel, compter son temps de déplacement. Ça continue avec un chiffre clé, les ventes – donc ne pas hésiter à investir en force commerciale pour décrocher des clients. « Le meilleur financeur d’une entreprise, c’est le client », aime répéter Sandra Le Grand. Grâce au MOOC, Magali Planes-Billon a réalisé qu’elle devait déléguer la prospection commerciale pour se concentrer sur son cœur de métier, le conseil.
Et puis, il y a les besoins de trésorerie, le nerf de la guerre selon Caroline Kraeutler. « Il existe toujours un décalage entre le paiement des charges et l’arrivée des recettes. Il faut en tenir compte, évaluer les délais d’encaissement des factures. » Se faire aider d’un expert-comptable n’est pas inutile.
Enfin, il y a l’épineuse question du salaire. Trop de femmes ne se paient pas. Les deux expertes sont sur ce point à l’unisson : « Il faut une ligne salaire du dirigeant dans le business plan », affirme Caroline Kraeutler. « On peut la première année dire que son apport personnel, c’est son salaire, celui qu’on ne touchera pas, ajoute Sandra Le Grand. C’est bien de faire un geste, par rapport aux investisseurs ou au banquier. Mais pas plus d’un an, sinon ça fausse le projet. »
Être convaincue vous aidera à convaincre
Comment embarquer à ses côtés les financiers ? Tout simplement être convaincue : « Vous créez votre business pour réussir », résume Caroline Kraeutler. Démystifier le rôle des financiers aide aussi : « Vous êtes une opportunité pour la banque, ajoute la professionnelle. Le crédit, c’est son métier et le moyen de gagner des clients. En revanche, la banque attend de l’entrepreneur qu’il s’engage au moins autant qu’elle : si elle met 100, il doit en mettre autant en fonds propres. »
Mais la banque n’apporte en général pas de capital. Ça, c’est l’affaire des investisseurs. Ne soyez pas alors complexée par le fait que vous n’avez pas les moyens d’investir vous-même : « Chacun son métier, explique Sandra Le Grand. L’entrepreneur crée, l’investisseur finance. Et il faut investir avant de récolter. »
Reste ensuite à décrypter les nombreux dispositifs de financement existant en France. L’intérêt du MOOC est aussi d’y voir clair dans cette jungle. « Trop de femmes nous disent : “Si j’avais su”, “Je ne savais pas que ça existait, que j’y avais droit”, “Je pensais que ce n’était pas pour moi” », raconte Céline André.
Alors, prête pour une auto-formation accélérée ? Attendez-vous à être bousculée, mais sans jamais vous sentir dépassée. Car les contenus sont très accessibles, voire ludiques.
En résumé, vous apprendrez à :
- Donner de l’ambition à votre projet
- Faire un business plan, c’est-à-dire visualiser l’évolution de votre activité sur 2 ou 3 ans
- Fixer le juste prix de votre offre
- Fixer un objectif de revenus
- Ne pas rester seule
- Connaître les ressources en matière d’accompagnement
- Connaître les ressources en matière de financement.
Vous y retrouverez même deux épisodes du podcast de ViveS, Osons l’oseille. Rendez-vous à partir du 16 octobre en ligne !
Illustration : un grand merci à Marie Lemaistre et Fllow