Certains parents avaient fixé le montant à 5 euros par mois, d’autres à 5 euros par semaine ! À peine le temps de se forger une opinion et d’instaurer des règles (un billet par mois et un carnet pour tenir ses comptes), la voilà en classe de 4eme. On apprenait alors que certaines de ses copines avaient déjà une carte bancaire. Vous imaginez bien la revendication : « Et moi, et moi ?? »
Une carte et un compte bancaire, ok! Mais où est le mode d’emploi?
Rien d’étonnant quand on voit que les banques traditionnelles proposent aux enfants de leurs clients des cartes et un compte dès 12 ans, et quand on sait le succès de Pixpay qui a conçu une carte de paiement accessible dès l’âge de 10 ans – plus de 200 000 titulaires en France à ce jour.
Ma fille a maintenant 16 ans et une carte bancaire (sur son smartphone bien sûr), comme 61% des ados français de 15 à 17 ans, selon une enquête de la Banque de France parue en décembre dernier. Inutile de vous dire que nous avons perdu le combat du carnet de tenue de comptes : pourquoi s’embêter quand tout est en live dans l’appli ? Apprendre à visualiser les entrées et sorties de son budget n’est pourtant pas si inutile…
Remarquez, ma fille a une (bonne ou fâcheuse, selon les points de vue) tendance à épargner, considérant son argent de poche comme une source supplémentaire permettant d’alimenter le pécule qu’elle constitue pour le projet de ses 18 ans (les fameuses vacances)… Et là, je me dis soudain qu’on a raté quelque chose dans son éducation financière. L’argent de poche, c’est pour les petits plaisirs du quotidien, non ? Le mode « fourmi » si cher aux Français aurait-il déteint sur elle à travers la culture familiale, sociale ou que sais-je ? Pourtant, à la maison, on n’hésite pas à parler finances. On épargne certes, mais on dépense aussi, et même on investit. Alors ? |
À l’école, on apprend les maths, mais pas à gérer les sous
Alors, je réalise soudain que jusqu’à ses 15 ans, il n’a jamais vraiment été question d’argent dans son parcours scolaire. Sujet ô combien tabou à l’école, alors que les enfants pratiquent l’échange dès le primaire dans la cour de récréation : ils apprennent donc à attribuer une valeur aux objets. Ils abordent aussi très facilement ces questions avec leurs parents : « Combien ça coûte ? », « Pourquoi c’est cher ? », « Pourquoi tu ne peux/veux pas l’acheter ? » Des remarques récurrentes auxquelles on devrait prêter plus d’attention…
Mais le tabou est aussi dans les familles : d’après le baromètre ViveS 2024 sur les femmes, les hommes et l’argent réalisé par l’IFOP, plus de la moitié des personnes interrogées avouent qu’on ne parlait pas d’argent dans leur foyer. Seulement 40% des femmes et un tiers des hommes déclarent avoir reçu des conseils de gestion financière de la part de leurs parents. Si on en parle peu ou mal dans les familles, si on n’en parle pas du tout à l’école, comment peut-on espérer former des adultes capables de maîtriser leur destin financier ? L’éducation financière n’est-elle pas la clé de l’autonomie future ? |
Semaine de l’éducation financière : parlez-en à la maison !
« Protège ton argent, assure ton avenir », c’est justement le thème de la 12e semaine de l’éducation financière organisée du 18 au 22 mars par la Banque de France. L’objectif est clair : inciter les jeunes à s’intéresser aux questions d’argent, leur transmettre des notions de base pour savoir gérer un budget, surveiller son compte bancaire, connaître et sécuriser ses moyens de paiement, estimer le coût d’un crédit, épargner pour financer des besoins prévus ou imprévus, se prémunir des arnaques…
Il y a du boulot ! D’après l’enquête de la Banque de France sur la culture financière des Français, publiée en décembre dernier, 64% des 15-17 ans se déclarent intéressés pour mieux comprendre ce qu’est un placement, un crédit, une assurance, un moyen de paiement. Ces jeunes, rappelons-le, n’ont jamais reçu d’éducation financière à l’école, sauf en classe de seconde quand ils découvrent pour une année les sciences économiques et sociales… Un petit tour et puis s’en vont, car s’ils ne choisissent pas cette spécialité, ils n’en entendront plus parler dans la suite de leur cursus. Or, dotés d’outils financiers de plus en plus tôt, ils sont aussi de plus en plus exposés aux arnaques : selon la même enquête, 30% des jeunes déclarent avoir déjà reçu une offre pour placer, prêter ou emprunter de l’argent par téléphone, internet ou via un réseau social. Des canaux trustés notamment par des influenceurs qui promettent de devenir riche en quelques clics… Autre sujet d’inquiétude : seulement la moitié des jeunes considèrent que les crypto-actifs sont des placements risqués…
Ce manque d’éducation financière, déjà dénoncé par ViveS Média dans une tribune publiée par le quotidien Les Echos il y a un an, suscite un malaise grandissant. Jeudi dernier, l’association France Fintech et les fondateurs de Pixpay, tout trois parents, ont adressé une lettre ouverte au Premier ministre, co-signée par 150 personnalités du monde économique, appelant à faire de l’éducation financière dans les programmes scolaires une priorité nationale, et ce dès l’école primaire.
Les choses bougent, lentement : cette année, le passeport EducFi a été généralisé pour tous les élèves de 4eme. Il s’agit de 2 heures de sensibilisation des élèves aux questions financières. Mieux que rien, mais pas encore la panacée ! |
En famille : comment sensibiliser nos enfants ou petits-enfants ?
« Dès l’âge de 5 ans, un enfant a la capacité cognitive d’épargner et de dépenser. Dès 7 ans, il commence à forger ses habitudes financières. À partir de 11 ans en moyenne, il reçoit de l’argent de poche. Pour que nos enfants intègrent les bons réflexes de gestion budgétaire dès leur première confrontation à l’argent, il est important de commencer plus tôt cette sensibilisation » écrivent les auteurs de la lettre ouverte au gouvernement.
Chez ViveS Média, nous sommes aussi convaincus de l’intérêt de répondre aux questions des enfants et de nourrir leur réflexion sur le sujet dès qu’ils commencent à en parler. C’est pourquoi nous avons imaginé un podcast pour les 7-11 ans. Le propos est ambitieux : « Tout sur les sous » ! Nous sommes partis des expériences et des interrogations d’Arthur, 7 ans, Baptiste, Margot et Sidonie, 10 ans. Jérémy Ducros, économiste à La Finance pour tous, leur répond, avec des mots et des exemples simples. A l’arrivée, 5 épisodes pour décrypter des notions clés que sont le revenu, le budget, l’inflation, l’épargne et le crédit. Et pour engager le dialogue en famille. Si ma fille avait six ou sept ans, autant vous dire qu’on l’écouterait de ce pas !
Illustration : un grand merci à Marie Lemaistre et l’agence Fllow |