Si nous en savons autant, c’est parce que nous en sommes à la troisième édition de notre Baromètre annuel sur les femmes et l’argent, réalisé par l’IFOP en partenariat avec BoursoBank et La Financière de l’Échiquier.
Trois baromètres en trois ans, cela veut dire plus de 3000 femmes interrogées au total, et un millier d’hommes sondés ces deux dernières années pour établir un comparatif.
En savoir plus sur ce que les autres font avec leur argent, cela aide à se situer et à s’analyser. Qu’est-ce que vous faites mieux ou moins bien que les autres ? Voilà ce que vous allez découvrir, et ça va sûrement vous aider à mieux gérer votre argent.
Le choc de l’inflation dans nos vies
Et vous l’argent, comment ça va ? Parmi les trente questions de notre Baromètre 2024 posées à 1004 femmes et 502 hommes de 18 ans et plus, représentatifs de la population française, l’une était décisive en ces temps troublés par plusieurs guerres, par la hausse du prix des matières premières et de l’énergie. Cette question, c’est celle de l’impact de l’inflation.
Est-ce que ça change votre vie, êtes-vous plus inquiet.e ? Oui pour 86% des femmes et 81% des hommes, cela a des conséquences sur leur pouvoir d’achat. C’est même 10 points de plus chez les femmes de moins de 35 ans et chez celles qui appartiennent aux catégories populaires. 82% des femmes et 72% des hommes déclarent d’ailleurs être obligés de changer leurs comportements ou leurs habitudes de consommation à cause de la hausse des prix.
Nous vivons une période anxiogène qui dégrade la confiance en l’avenir de 85% des femmes et 75% des hommes, avec des chiffres comparables pour « la confiance dans l’économie ».
Les femmes sont plus affectées par la situation que les hommes, de 5 à 10 points de plus : sans doute parce qu’elles gagnent moins qu’eux – en moyenne 15% de moins pendant la vie active et 40% de moins au moment de la retraite – mais aussi parce qu’elles sont davantage exposées aux fragilités financières (carrières hachées, temps partiels, plafond de verre, chute de leur niveau de vie après une séparation).
Sur quoi rogner ? Face aux difficultés, les trois postes sur lesquels les Françaises et les Français sont prêts à faire des économies sont les vacances pour 46% d’entre eux, le coiffeur pour 42% des femmes et 28% des hommes, et enfin… l’épargne pour 33% des femmes et 39% des hommes.
Des femmes plus prudentes que les hommes
Globalement, les femmes restent en 2024 plus prudentes que les hommes quand il s’agit de gérer leurs finances. Elles ont davantage tendance à mettre de côté, sans doute parce qu’elles ont plus besoin d’un matelas de sécurité : 75% d’entre elles épargnent tous les mois une somme fixe ou dès qu’elles le peuvent, pour 68% des hommes.
Les femmes connaissent bien et aussi précisément que les hommes leurs rentrées et sorties d’argent : revenus, dépenses mensuelles et impôts. Les unes et les autres sont un peu moins au clair sur « le montant d’argent disponible à placer » : 68% des femmes et 70% des hommes peuvent l’estimer.
Nous ne sommes pas de grands investisseurs
Les Françaises et les Français détiennent peu de produits d’investissements, comme le révélait déjà notre Baromètre 2023. Les Françaises sont 37% (comme l’année dernière) à déclarer une assurance-vie en fonds euros (pour 33% des hommes), 26% à posséder une assurance-vie en unités de compte (pour 30% des hommes), 15% un PEA (pour 23% des hommes), 17% un compte-titres (contre 9% l’année dernière, ça augmente !) pour 22% des hommes. 11% des hommes et seulement 4% des femmes possèdent des actifs en crypto-monnaies.
L’un des indicateurs les plus préoccupants est la détention de plans d’épargne retraite : ils concernent 22% des femmes et 25% des hommes, soit un quart des Français seulement. Les femmes sont 32% à déclarer avoir déjà épargné pour leur retraite (34% chez les hommes), mais 45% des femmes et 46% des hommes affirment qu’ils ne le feront pas, soit parce qu’ils n’en ont pas l’intention soit parce qu’ils n’ont pas assez d’argent. Sur ce sujet, femmes et hommes ont les mêmes comportements mais les femmes risquent d’en subir davantage les conséquences, car elles perçoivent moins d’argent que les hommes à la retraite.
Le grand écart se confirme entre hommes et femmes en ce qui concerne l’investissement en Bourse : les femmes investissent deux fois moins que les hommes (11% versus 24%). Des indicateurs qui ont baissé puisque les chiffres de l’an dernier étaient de 15% versus 32%. Une baisse que l’on peut sans doute imputer à l’inflation, puisque 33% des femmes et 39% des hommes ont déclaré qu’elle a des conséquences sur leur épargne et leurs placements. Il en va de même pour les investissements socialement responsables (ISR), attirant un peu plus d’1 homme sur 5 contre 1 femme sur 10 (22% et 12% respectivement).
Qu’est-ce qui nous retient ?
Hommes et femmes avancent les mêmes raisons pour justifier leurs faibles investissements : ils n’ont pas envie de prendre des risques avec leur argent (93% des femmes et 85% des hommes), ils ont peur de perdre l’argent investi (31% des hommes et 29% des femmes), ils pensent qu’ils n’ont pas assez de moyens pour qu’investir vaille le coup (80% des femmes et 71% des hommes), et ils manquent de connaissances en matière de produits financiers (80% des femmes et 74% des hommes). Les hommes sont même légèrement plus nombreux à déclarer « ne pas faire confiance aux conseillers financiers » (64% d’entre eux pour 61% des femmes).
Mais voici ce qui m’a le plus étonnée. Connaissant les mauvaises expériences des femmes lors de leurs rendez-vous avec leur banquier (« Il est où, votre mari ? »), j’aurais parié qu’elles étaient les premières à se plaindre de leurs relations avec eux. Pourtant, les hommes sont un peu plus nombreux (42%) à considérer « ne pas être pris au sérieux par leurs conseillers financiers » (pour 38% des femmes). Ils ont beau le faire davantage que les femmes, ils disent ne pas aimer l’idée d’investir en bourse (29% d’hommes pour 22% de femmes).
Si les femmes sont globalement plus frileuses que les hommes dans leurs comportements financiers, toutes et tous ont sensiblement les mêmes difficultés et les mêmes peurs dans leur rapport à l’argent.
Les femmes et les hommes sont égaux… dans leur ignorance !
Reconnaissons-le, nous ne sommes pas des bons élèves en la matière ! Mais à notre décharge, nous n’avons guère reçu d’éducation financière…
Pour la moitié des Français en effet (55% des femmes et 51% hommes), l’argent était un sujet dont on ne parlait pas à la maison.
Bon an, mal an, une partie des Françaises et Français a appris à négocier, à placer son argent (59% des femmes et 58% des hommes), à faire attention au prix des choses, aux dépenses (92% des femmes et 86% des hommes), à considérer le fait de bien gagner sa vie comme un objectif (pour 79% des femmes et 80% des hommes). Les femmes auraient même reçu plus de conseils de gestion financière de la part de leurs parents que les hommes (40% versus 33%), et autant de la part de leur banquier que les hommes (41% pour 39%).
Alors pourquoi ces derniers sont-ils plus à l’aise que les femmes en matière d’argent ?
Ce que les hommes font mieux
La valeur sociale des hommes est davantage liée, culturellement, à l’argent qu’ils gagnent. Contrairement aux femmes qui n’ont accédé à un compte bancaire personnel qu’en 1965 et dont les salaires ont longtemps été considérés comme « d’appoint », les hommes sont encouragés à tisser très tôt un lien avec l’argent : notre sondage 2023 sur l’argent de poche réalisé avec le magazine Julie montre que dès l’enfance, les parents ont tendance à donner plus d’argent à leurs fils qu’à leurs filles, sans le réaliser consciemment.
Plus à l’aise avec l’argent, ils sont aussi plus assertifs que les femmes pour affirmer leur valeur salariale au travail. Ils sont d’ailleurs plus nombreux à la connaître : 54% disent savoir ce qu’ils valent contre 43% des femmes. 53% des hommes se sentent à l’aise pour négocier leur salaire pendant un entretien d’embauche, contre seulement 38% des femmes, soit 15 points d’écart. L’écart est aussi important quand il s’agit d’oser demander une augmentation (54% versus 37%). Deux hommes sur trois se sentent en mesure d’obtenir une promotion, pour seulement une femme sur deux. On observe cependant que la catégorie des femmes de 25-34 ans a tendance à davantage maîtriser ces sujets que la moyenne : ouf, ça bouge !
Hommes et femmes vont placer leur argent et investir sensiblement pour les mêmes raisons, à savoir sécuriser leur épargne, constituer un matelas en cas d’imprévus de santé, compléter leurs revenus de manière efficace, anticiper des changements de situation personnelle ou professionnelle, préparer leur retraite… Mais ce qui les distingue, c’est que les femmes vont davantage penser à sécuriser leur argent quand les hommes vont aussi considérer l’investissement comme une stratégie d’enrichissement, pour « disposer de rendements plus élevés à long terme » et « optimiser leur fiscalité ». De quoi bénéficier, à terme, d’un patrimoine plus important !
Ce que les femmes font mieux
Autre révélation : les hommes sont beaucoup plus taiseux en ce qui concerne leur salaire et leurs revenus, à part quand il s’agit d’en parler avec leur conjoint.e (98% des femmes et 88% des hommes le font).
En revanche, les femmes en parlent beaucoup plus avec leurs enfants (89% versus 62% des hommes), laissant penser qu’elles se chargent davantage de leur éducation financière, mais aussi avec leurs parents, frères et sœurs (77% versus 46%), avec leurs amis (78% versus 43%) et avec leur entourage professionnel (76% versus 51%). Une bonne habitude à conserver car parler de salaire autour de soi permet de se situer et de mieux le négocier !
Les hommes, quant à eux, devraient davantage partager ces informations, par transparence mais aussi pour rétablir l’équilibre dans leur couple. On sait ainsi que la répartition des dépenses est encore très genrée : les femmes s’occupent du quotidien et les hommes des placements structurants pour le long terme (ils sont 42% à prendre en main les placements financiers, 13 points de plus que les femmes, et deux fois plus nombreux à décider des achats relatifs à l’immobilier). Beaucoup de femmes ignorent le montant exact du patrimoine du foyer. Parler davantage de l’argent en circulation dans la famille serait un moyen pour les hommes d’impliquer leur conjointe dans les investissements et de tendre vers plus d’égalité.
Comment ça peut changer ?
La première démarche, surtout pour les hommes, c’est donc d’en parler plus, dans le couple et avec les enfants, car l’information permet l’action.
Les femmes doivent aussi s’intéresser davantage à l’argent, car l’envie de se former pour mieux comprendre les enjeux financiers est plus importante chez les hommes (44%) que chez elles (36%). Or, elles en ont plus besoin.
Soyons décomplexées ! Les hommes n’ont pas plus d’éducation financière que les femmes mais ils sont davantage prêts à se lancer. Les femmes doivent aussi développer cet état d’esprit pour s’approprier le sujet de l’argent et construire leur autonomie financière sur le long terme.
Illustrations du Baromètre : un grand merci à l’agence Rokovoko