❞J’ai 49 ans, je suis docteur en géographie et depuis dix ans je travaille à mon compte. J’accompagne des collectivités locales dans la mise en place de politiques publiques pour la transition écologique. Je suis séparée, je vis avec mon fils de 15 ans dans un appartement dont je suis propriétaire.
A l’approche de la cinquantaine, j’ai fait le bilan, vous savez ce genre de moment où on se retourne, on regarde sa vie, son œuvre, et on se projette sur la suite. J’ai suivi de longues études et j’ai réalisé que je devrais attendre 71 ans pour avoir tous mes trimestres et percevoir une retraite complète, et encore, c’était avant la dernière réforme ! Donc j’ai une grosse problématique de retraite. Je ne veux pas être un poids pour mon fils plus tard.
Pas d'investissement, juste un livret A
J’ai réalisé que j’étais obligée d’investir pour me constituer un capital retraite privé. Mais comment faire pour rester dans de la finance « propre » ?
A part ma résidence principale, achetée avec mon ex-compagnon, je n’ai pas d’investissement, je possède juste un livret A. Je ne boursicote pas, question de principe ! Tout au long de ma carrière professionnelle, j’ai été soucieuse de ne jamais exercer un emploi qui produise quelque chose de néfaste sur le plan environnemental ou social. J’ai travaillé au Bénin, puis pour un réseau de lutte contre les inégalités dans les pays du Sud, puis pour une association de microfinance en France. J’ai toujours travaillé dans des structures à impact social ou environnemental positif.
Je me suis renseignée sur le PER : les cotisations m’ont semblé élevées pour un résultat médiocre. Quant à racheter des points retraite, c’est très coûteux ! Nous étions en 2020, investir dans l’immobilier me paraissait une bonne option, d’autant que les taux d’intérêt étaient bas. Mais pas question de sauver ma peau en mettant en danger celle de l’autre. Il fallait que je m’inscrive dans une logique de solidarité.
Une rencontre, trois scénarios
J’ai échangé avec Anne-Sophie Thomas, que je connaissais pour avoir travaillé avec elle précédemment, et qui venait de lancer Gestia Solidaire. Le concept : proposer à des propriétaires de louer leur bien à des personnes qui ont du mal à accéder à un logement à cause de moyens financiers insuffisants, tout en garantissant le paiement des loyers grâce au cautionnement Visale. Ensemble, nous avons fait des simulations, je suis repartie avec trois scénarios possibles (en fonction du modèle de location, des revenus et de la fiscalité) et la colocation est apparue comme la meilleure solution pour moi.
Evidemment, la colocation ce n’est pas terrible… Cela me gênait un peu car cela revient à enlever un logement pour une famille, or les besoins sont énormes dans l’agglomération lyonnaise.
En même temps, cette opération ne devait pas me coûter d’argent. D’où l’idée de privilégier la colocation, mais de proposer mes chambres à des gens qui ne parviennent pas à se loger sur le marché classique. Si vous êtes au SMIC, ou avec un CDD, c’est compliqué de trouver un toit dans une grande ville comme Lyon, et si vous êtes étranger, n’en parlons pas !
Un appartement idéal pour la colocation
Pour l’achat, j’ai pris conseil auprès de mon entourage, j’ai notamment vu un ami de mon père qui possède plusieurs appartements mis en location. J’ai fait un peu de veille sur le marché, j’ai cherché pendant cinq-six mois. J’ai visité trois appartements à Villeurbanne. Le troisième a été le bon. J’ai appelé dès que j’ai vu l’annonce et j’ai été la première à le visiter, un coup de chance ! J’avais de l’avance pour le rendez-vous, j’ai proposé à la jeune femme de l’agence immobilière de monter et ouvrir les volets ensemble. Je me suis décidée en quelques minutes. C’est un 65 m2 bien agencé avec trois belles chambres, qui donnent sur une cour calme. Idéal pour de la colocation ! Il était en mauvais état donc à un prix accessible : 160 000 euros. J’ai contracté un emprunt sur 25 ans à 1,05% pour la totalité du montant, je n’avais pas d’apport. Je gagne correctement ma vie, mais je n’ai pas reçu d’héritage.
J’ai dépensé 20 000 euros pour les travaux : fenêtres, plomberie, électricité. Le reste, j’ai tout fait moi-même : la peinture, la décoration, l’ameublement. Je l’ai aménagé comme si c’était pour ma famille.
Un coût de gestion mais des garanties
Les chambres sont louées chacune 400 euros par mois, souvent à des personnes en difficulté, par exemple une femme d’origine guinéenne qui allait se faire expulser de son foyer. C’est Gestia Solidaire qui reçoit les demandes, organise les visites, rencontre les locataires et ensuite on les choisit ensemble. La plupart du temps, ils travaillent mais ne parviennent pas à se loger car ils ne remplissent pas le critère d’un revenu équivalent à trois fois le montant du loyer : ils touchent de petits salaires, occupent des temps partiels, ou alors ce sont des étudiants qui n’ont pas de garant. La colocation est souvent une étape transitoire, donc il y a un certain turn-over et la gestion est complexe. D’où l’intérêt de la confier à une société comme Gestia Solidaire. Cela représente pour moi un coût d’environ 8 à 10% du montant des loyers perçus, mais c’est une facilité et cela m’offre la garantie d’avoir un logement rarement vacant, sans risque d’impayés. Il y a même un règlement intérieur sur l’usage des espaces communs et la résolution des conflits en cas de problème.
Mon appartement est loué depuis septembre 2020. Le projet, c’était de couvrir l’emprunt par les loyers. Les deux premières années, j’ai amorti les travaux donc je n’ai pas payé d’impôt sur les revenus locatifs. Maintenant ça me coûte un peu en impôts et en charges de copropriété non récupérables sur les loyers, disons 150 à 200 euros par mois. Mais mon expérience montre qu’en étant un peu créative et audacieuse on peut investir tout en respectant ses valeurs ! ❞
Illustration : un grand merci à Caroline Gaujour