“ Oui, il nous faut calculer, même si cela nous ennuie "
Combien ? Voilà un petit mot qui a parfois des allures de gros (mot). Oui il nous faut calculer, même si cela nous ennuie. Même si nous n’y avons pas toujours été encouragées. En cette période inédite de retour de l’inflation, chacune d’entre nous le constate : tout augmente. Le prix de l’énergie, de l’essence, des denrées alimentaires les plus banales (pain, pâtes) jusqu’au matériel numérique devenu un pré requis de notre vie. Tout augmente, sauf les salaires !
Alors il faut compter. Quand ma fille a commencé à vouloir de l’argent de poche, nous avons avec son père posé une condition : qu’elle tienne un carnet de ses recettes et dépenses. La condition lui a paru incongrue. Elle ne l’est pas à nos yeux (même si, avouons-le, elle peut paraître un peu surannée, façon école de la ménagère) : savoir de quelle somme on dispose et comment on en dispose est essentiel. Que l’on soit cigale, ou fourmi.
A-t-on suffisamment habitué les jeunes filles à cela ? Car l’argent est autant un moyen qu’une nécessité. Quel que soit le montant, quoi qu’on en fasse, qu’on le dépense ou l’épargne, son usage nous donne un pouvoir sur le monde.
“ Les femmes font preuve d'organisation dans la gestion de leur budget "
Commençons d’abord par battre en brèche les idées reçues : non, les femmes ne sont pas plus dépensières que les hommes. D’abord parce qu’en moyenne, elles gagnent moins que ces messieurs, et ont donc davantage conscience de la portée de leurs dépenses. Les femmes font preuve d’organisation dans la gestion de leur budget, comme le confirme une étude de CSA Research pour Cofidis en 2019 : 85% des femmes interrogées disent planifier le financement de dépenses importantes (45% au moins six mois avant). La même étude montre qu’en moyenne, les femmes dépensent moins que les hommes pour l’alimentation, l’énergie, les transports et la santé. En revanche, elles consacrent une part plus importante de leur budget au logement. Et pour cause : 40% d’entre elles déclarent vivre avec des enfants contre 28% des hommes.
On sait désormais aussi que les femmes ont des dépenses contraintes supérieures à celles des hommes : outre le logement, elles sont des clientes captives sur un certain nombre de biens (protections hygiéniques, produits de beauté, collants) ou de services (esthétique, garde d’enfants) liés à leur sexe ou leur condition et sur lesquels elles n’ont guère de marge de manœuvre.
“ Contrairement à ce que pensent deux tiers des Français, les femmes ne dilapident pas leur argent en shopping "
Si les femmes accordent moins de budget aux autres dépenses de première nécessité, ce n’est pas parce qu’elles sont « radines » ou qu’elles renoncent à l’essentiel : elles sont tout simplement des consommatrices particulièrement attentives. Une large majorité confiait ainsi dans l’enquête CSA de 2019 qu’elles attendent les soldes ou les ventes privées (74%) pour faire leurs achats, privilégient les produits en promotion ou à prix cassés (64%), les programmes de fidélité pour bénéficier d’offres spéciales ou de remises (63%) ou encore les vide-greniers.
Autre idée reçue sur les femmes, déconstruite par une étude CSA de 2017 : contrairement à ce que pensent deux-tiers des Français, les femmes ne dilapident pas leur argent en shopping. Selon cette étude, les femmes déclaraient alors dépenser en moyenne 108 euros par mois en chaussures-habillement-cosmétiques, ce qui est un montant identique à la moyenne des Français. Tandis que les hommes dépensent en produits high-tech bien plus que la moyenne des Français (526 euros par an contre 417 euros par an). Mais les clichés ont la vie dure !
“ Les femmes se révèlent nettement plus engagées dans la transition vers une consommation responsable "
Une étude de 2013 menée par le Credoc, avait pointé une autre caractéristique : les motivations d’achat des femmes sont plus marquées que celles des hommes par un sentiment de responsabilité sur les critères de fabrication locale (“Made in France” ou « Fabriqué dans ma région »), les labels de qualité et le soutien aux causes humanitaires. Elles semblent aussi plus attentives aux garanties en termes d’hygiène et de sécurité. En clair, les femmes seraient davantage des consommatrices responsables. Une tendance confirmée en 2021 par l’Observatoire de la consommation responsable : « Les femmes se révèlent nettement plus engagées dans la transition vers une consommation responsable que les hommes », conclut l’étude.
“ A travers leurs achats, les femmes disposent d'un levier pour contribuer à changer le monde "
Conscientes, responsables, attentives, les femmes sont donc bien plus gestionnaires que leur réputation ne le laisse entendre. Bonne nouvelle ! Cela signifie qu’à travers leurs achats, les femmes disposent d’un levier pour contribuer à changer le monde. Voyons comment…
Cela commence par privilégier des marques qui font toute leur place aux femmes dans leur gouvernance. A ce titre l’Observatoire Skema de la féminisation des entreprises est un excellent référentiel. On peut aussi viser celles qui offrent un environnement de travail satisfaisant pour les femmes. Pour cela on peut se référer au palmarès 2021 best workplace for women. Ou encore celles qui cherchent à améliorer la vie quotidienne des femmes avec des services ou des biens innovants. Un petit tour sur les sites de crowdfunding peut vous donner des idées. Pas besoin d’être millionnaire pour investir dans un projet auquel on croit, bon pour la planète ou pour l’égalité femmes-hommes.
“ L'épargne : voilà donc un outil d'influence sur l'économie dont les femmes gagneraient à se saisir ! "
Orienter son épargne est un autre moyen d’agir. Rappelons-le : cela fait 140 ans que les femmes ont le droit de posséder un livret d’épargne (merci Napoléon). Mais seulement une cinquantaine d’années qu’elles peuvent ouvrir un compte bancaire en se passant de l’autorisation de leur conjoint. Alors évidemment, investir n’est pas un réflexe naturel. De nombreux freins retiennent les femmes de devenir investisseuses ou actionnaires, comme le pointe l’association Femmes Business Angels : manque d’argent, plus grande sensibilité au risque, manque de confiance en elles. Résultat, les femmes représentent en France seulement 10% des business angels.
Mais elles seraient près de 40% parmi les bénéficiaires de plans d’épargne salariale. L’épargne : voilà donc un outil d’influence sur l’économie dont les femmes gagneraient à se saisir ! Savez-vous que la première plate-forme en ligne d’épargne solidaire, Lita.co, a été co-fondée par une jeune femme, Eva Sadoun, décidée à réconcilier les citoyens et la finance ? Ne laissez plus jamais dire que les femmes sont nulles en économie…
Illustration : Un grand merci à Rokovoko