“ À 50 ans, femmes et hommes ne sont plus que 57% à être mariés ”
Il y a vingt ans, 79 % des hommes et 75 % des femmes étaient mariés au moment d’aborder la cinquantaine. Aujourd’hui, à 50 ans, femmes et hommes ne sont plus que 57 % à être mariés. Les autres sont célibataires (à l’état civil), avec dans ce statut une grande diversité de situations : en couple sous le même toit, en couple vivant séparément, sans partenaire officiel, ou sans partenaire du tout. L’étude de l’Ined l’explique très bien : « L’augmentation massive des séparations, associée à une moindre désapprobation sociale vis-à-vis des personnes séparées et divorcées, change les perspectives pour les plus de cinquante ans qui peuvent plus facilement qu’auparavant reformer un couple après une rupture conjugale. »
L’Ined estime que parmi les quinquas célibataires, seul un tiers d’entre eux se projette dans une vie à deux et pense “probablement ou certainement reformer une union dans les 3 ans”. Cette faible proportion a plusieurs explications. Beaucoup de célibataires n’ont jamais connu d’union, ne le souhaitent pas ou y ont renoncé. Le veuvage, surtout pour les femmes, les rend peu enclines à envisager une nouvelle union.
Cependant pour certains célibataires, ce n’est pas l’envie qui manque, mais surtout la confiance. Avec des peurs envahissantes : comment faire une belle rencontre à mon âge ? Est-ce que je vais savoir aimer à nouveau ? Est-ce que je saurai revivre en couple ? Pourrai-je refaire confiance ? Refaire l’amour avec un autre corps ?
“ On doit forcément faire face à des peurs et des déceptions ”
Ces questions sont légitimes, comme l’explique Isabelle Leboeuf, docteur en psychologie et psychothérapeute : « Il faut valider et dépasser les moments de souffrance vécus. La peur d’être déçu(e), mal aimé(e), de connaître une nouvelle rupture, sont des peurs universelles. Et pour réussir une nouvelle relation il faut pouvoir se réconforter soi-même face à tous ces doutes, toutes ces angoisses ». On doit forcément faire face à des peurs, et des déceptions : « On a toujours des attentes, on imagine comment les choses vont se dérouler et dans les faits, c’est différent. On est alors obligés de s’adapter à cette réalité qui n’est pas en cohérence avec nos attentes. » Cette déception peut nous amener à nous replier sur nous-même, à éviter d’aller vers l’autre… Il importe alors de s’octroyer un peu de compassion et surtout de recul.
Ce sentiment de solitude peut être renforcé par les couples de notre entourage, qui, même s’ils sont loin d’être parfaits, semblent afficher une image de réussite, ne serait-ce que par leur longévité. « Les gens mettent en avant leurs réussites ou accomplissements. Mais ils n’échappent pas à l’usure du couple, à des déceptions au fil des années et nécessairement à des phases de réajustements qui sont douloureuses. Mais elles sont normales ! Elles font partir du processus d’apprentissage », rappelle Isabelle Leboeuf.
Il faut donc se rappeler que comme les célibataires, les couples vivent aussi ce cycle d’apprentissages et d’erreurs. Et que les ré-ajustements permettent à tous de progresser.
“ Ce n’est pas parce que vous avez 50 ans ou plus et de l’expérience, que vous avez fini votre apprentissage de l’amour ”
Ce n’est pas parce que vous avez 50 ans ou plus et de l’expérience, que vous avez fini votre apprentissage de l’amour. Loin de là ! Isabelle Leboeuf parle même de la révolution de la cinquantaine. « A 50 ans, soit on se replie sur ce qu’on connaît, on s’installe dans nos routines, soit on évolue encore. Selon moi, bien vieillir c’est continuer à être dans l’évolution et dans la flexibilité. Et cela s’apprend en faisant de la place pour les crises » explique-t-elle. « Les gens pensent qu’un couple qui réussit est un couple qui ne vit pas de crises, alors qu’en réalité, un couple en bonne santé est un couple qui oscille entre des phases de crise et de reconnexion ».
Ces crises sont importantes pour casser les routines, briser les choses trop installées et l’enfermement. Elles permettent d’ouvrir à de nouvelles façons de faire, de nouvelles étapes de vie, une nouvelle sexualité…
Ghislaine en témoigne : « J’ai appris beaucoup de mes 25 ans de vie commune avec mon premier mari. Je ne veux plus du rouleau compresseur de la routine. Alors avec mon nouveau conjoint, je veille à ce qu’elle ne se réinstalle pas. Et cela passe souvent par des petits détails du quotidien. »
A 50 ans, c’est peut-être donc aussi le moment d’apprendre à repérer ce qui nous enferme et à favoriser ce qui nous ouvre à l’autre. Parce que malgré tout, on se connaît bien mieux à 50 ans qu’à 30, comme en témoignent 83 % de femmes interrogées par DisonsDemain et Kantar lors d’une étude sur l’amour chez les plus de 50 ans.
“ Tant de femmes manquent d’estime de soi, guettent dans le miroir les transformations de leur visage ”
« S’ouvrir, c’est de décentrer de soi », poursuit Isabelle Leboeuf. Quand on avance dans l’âge, que l’on doit faire face au vieillissement et que l’on se regarde, ce n’est pas toujours bien vécu. Comme l’écrit Marie de Hennezel dans L’âge, le désir et l’amour : « Tant de femmes manquent d’estime de soi, guettent dans le miroir les transformations de leur visage. Elles se trouvent moches, et en concluent qu’aucun homme ne pourra les désirer. Il y a cette petite voix intérieure qui juge que l’on n’est plus désirable, et si par hasard une rencontre a lieu, ces femmes-là s’observent, se raidissent, se ferment au lieu de se laisser aller à ce qu’elles sentent. »
C’est ce qu’a ressenti Ghislaine, 56 ans, lors de ses rencontres amoureuses : « Le corps jeune est beau. Or, à notre âge, on sait qu’on a du ventre, moins de fermeté, et j’ai éprouvé une gêne à ce niveau. Pourtant, je suis sûre que l’homme ne nous voit pas comme on se voit. Il voit un corps et le désire. Alors que nous, on est dans le détail. On est dans cette autocritique du corps. Je voulais être belle à ses yeux et je ne voulais pas qu’il voie mes défauts. Donc je faisais par exemple attention à la lumière. »
Voilà pourquoi Isabelle explique qu’il faut se décentrer de soi : « Quand on est anxieux dans la relation, on s’observe soi-même, on se juge. A ce moment-là, mieux vaut se concentrer sur l’autre, sur ce qu’il nous dit, pour se reconnecter à lui ». Cela permet de faire taire cette petite voix qui mène à la méfiance et au repli.
L’âge peut être une grande source d’ouverture et de liberté. A 50 ans, on n’a plus les mêmes enjeux. On n’a plus l’objectif -ou la pression- d’avoir des enfants et de les élever. On peut décider de sa vie de couple, et cette liberté est une clé vers l’audace. Pourquoi ne pas s’en saisir ? Car, finalement, que l’on soit en couple ou non, l’enjeu de l’amour à 50 ans ne résiderait-il pas dans le fait d’oser continuer à apprendre, et à aimer autrement ?
Illustration : un grand merci à Laurence Bentz et à l’agence Virginie