Néanmoins, on observe une tendance profonde de la société d’aujourd’hui : les individus souhaitent retrouver la maîtrise de leurs décisions plutôt que de se laisser dicter par des institutions traditionnelles. C’est vrai sur le marché du travail, où la mobilité va croissant ; en politique, où les phénomènes de révolte vis-à-vis des dirigeants politiques se multiplient ; et dans le monde de la finance, où nous voulons tous recouvrer une capacité à prendre des décisions, voire nous connecter les uns aux autres pour nous entraider et faire ensemble. Assisterons-nous à l’émergence de communautés de femmes qui investissent ensemble plutôt que de s’en remettre aux intermédiaires traditionnels ?
“ Opter pour l’épargne plutôt que d’investir soi-même en direct semble une décision évidente ”
Certaines femmes n’ont tout simplement pas assez d’argent pour investir : tout leur revenu disponible (salaire après impôts) est alloué à de la consommation. D’autres, même si elles ont de l’argent disponible, se disent qu’elles n’ont pas assez de temps, de légitimité ou d’expertise pour choisir et suivre leurs investissements. Plutôt que d’investir elles-mêmes, elles vont donc épargner : confier leur argent à des intermédiaires, à commencer par leur banque, qui vont se charger de l’investir pour leur compte.
A première vue, opter pour l’épargne plutôt que d’investir soi-même en direct semble une décision évidente. Puisque ces intermédiaires – tels que les banques et les sociétés d’assurance – proposent des produits d’épargne présentés comme fiables et rémunérateurs, pourquoi prendre la peine de chercher soi-même des opportunités ? L’investissement en direct ressemble à une activité lucrative mais vaine, un peu comme faire son propre pain : on n’a intérêt à le faire soi-même qu’à condition d’être passionné. Et comme pour le pain, le résultat est souvent moins bien que si on avait laissé faire les professionnels !
“ S’en remettre à l’épargne et ses intermédiaires n’est pourtant pas la panacée ”
S’en remettre à l’épargne et ses intermédiaires n’est pourtant pas la panacée, et en voici les principales raisons :
MOINS DE GAINS
– Un intermédiaire, ça se rémunère – et certains n’hésitent pas à gonfler les frais qu’ils prennent au passage, dégradant ainsi la rentabilité du placement.
– Un intermédiaire peut aussi craindre la prise de risque et diriger l’épargne de ses clients vers des placements moins risqués et donc moins rémunérateurs.
– Beaucoup de produits d’épargne traditionnelle sont devenus trop peu rémunérateurs (les taux d’intérêt sont à un plus bas historique depuis plusieurs années).
– L’économie devient de plus en plus numérique, et les intermédiaires traditionnels n’y comprennent pas grand chose, laissant ainsi passer des opportunités. Aujourd’hui, les rendements sont dans les entreprises numériques, voire les crypto-monnaies, mais peu nombreux sont ceux capables de diriger l’épargne vers ces classes d’actifs.
MOINS DE SENS
L’épargne se thématise, en phase avec des questions de sociétés ou des défis globaux tels que le changement climatique. Il existe, certes, de plus en plus de produits d’épargne ayant des finalités d’impact. Mais tous les thèmes ne sont pas couverts, loin de là. Essayez donc de mandater votre banquier pour qu’il restreigne l’allocation de votre épargne à des entreprises dirigées par des femmes : c’est tout simplement impossible ! Il n’a ni l’information ni les outils pour le faire.
PLUS DE DÉPENDANCE
L’épargne crée un écran opaque entre l’argent apporté et la destination finale. Or certains aiment savoir dans quoi exactement leur épargne est investie.
Les intermédiaires se sont historiquement adressés aux hommes plutôt qu’aux femmes. Après tout, ce n’est que depuis 1965 que les femmes mariées ont le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation du mari. Et les vieux réflexes perdurent dans la gestion de patrimoine : les hommes qui y travaillent ont l’habitude de s’adresser à d’autres hommes. Ils préfèrent s’en remettre aux maris plutôt qu’aux épouses lorsqu’il s’agit de prendre des décisions d’épargne, jugées plus sérieuses et lourdes de conséquences. “Votre mari n’est pas là ?” est une question que les femmes entendent parfois lorsqu’elles se présentent devant un conseiller pour discuter d’épargne. Pas étonnant que certaines se découragent et cherchent à investir leur argent elles-mêmes !
“ Pourquoi choisir l’investissement et comment le faire ? ”
Une fois ces bonnes raisons entendues de vouloir reprendre la main, pourquoi choisir l’investissement plutôt que l’épargne, et comment s’y prendre ?
L’investissement est un contributeur majeur au développement de l’économie. Cela permet aux agents économiques – entreprises, administrations, ménages – de disposer de capital sur des périodes relativement longues et de créer, grâce à lui, de la richesse et des emplois. L’investissement est ainsi le complémentaire de la consommation, l’économie en a besoin et nous tous, collectivement, prenons des meilleures décisions que les intermédiaires obsolètes.
Nous pourrions donc tous sauter le pas prélever une partie de notre argent pour l’investir dans des actifs de toutes sortes : des entreprises dans lesquelles nous croyons, des projets d’infrastructure prometteurs de revenus futurs, de l’immobilier dans des zones en plein développement.
Et comment investir quand on ne l’a jamais fait ? Là c’est la bonne nouvelle. Les outils pour investir soi-même sont de plus en plus abondants, performants et accessibles, qu’il s’agisse de produits technologiques (les applis de conseil d’investissement automatisé, ou robo-advisors) ou de dispositifs juridiques (avec le financement participatif qui permet d’investir de petites sommes d’argent directement dans des entreprises qui nous inspirent).
Nombreuses sont les femmes qui ont pris les choses en main. Certaines ont créé des fonds d’investissements spécialisés, d’autres des médias spécialisés pour conseiller et accompagner d’autres femmes dans la gestion de leur argent et la prise de leurs décisions d’investissement. Autant d’outils et de soutien pour oser franchir le pas, s’informer… et se lancer !
Illustration : un grand merci à Rokovoko