La première fois que j’ai entendu parler d’un notaire, c’est à la mort de mon grand-père. Je me souviens d’un rendez-vous auquel j’ai accompagné mes parents, le panonceau doré à l’extérieur, l’ambiance feutrée à l’intérieur, un homme âgé qui parle doctement, avec un air grave et des mots incompréhensibles… de quoi impressionner une gamine de 15 ans.
Près de dix ans plus tard, je suis une jeune femme tout juste entrée dans la vie active et je me retrouve à nouveau dans une étude notariale. Cette fois-ci, je ne suis plus spectatrice mais partie prenante. Mes parents font une donation à leurs enfants. L’explication prend un peu de temps ; le notaire est plus jeune (ou est-ce moi qui ai vieilli?), ses propos sont davantage intelligibles mais le jargon utilisé me rebute quand même. Je signe, au revoir et merci. C’est le notaire de mes parents, pas le mien.
D’ailleurs je n’ai pas de notaire « à moi ». À 25 ans, cela ne me préoccupe guère. Installée depuis peu à Paris, je dois déjà me trouver un médecin et ce n’est pas une mince affaire.
Dix ans passent encore. Je vais me marier. J’ai entendu mes parents parler de communauté universelle: ce qui est à toi est à moi, et vice-versa. Mais à 35 ans, mon chéri et moi ne sommes plus des perdreaux. Chacun d’entre nous a commencé à se constituer un patrimoine personnel ; chacun dispose d’un compte bancaire et d’une épargne propres. L’idée de tout mettre en commun alors que nous sommes très indépendants nous effraie. Nous commençons à réfléchir aux différentes options. Qui dit options, dit contrat… Il faut trouver un notaire. Oui, mais qui choisir? On en parle autour de nous, un couple d’amis qui ont acheté récemment un appartement nous conseillent le professionnel avec lequel ils ont signé leur acte d’acquisition. Nous voilà reçus dans une étude du centre de Paris, à parler régimes matrimoniaux, patrimoine, séparation, décès… pas évident quand on a la tête dans la liste d’invités et le choix des entrées!
Heureusement le notaire détend l’atmosphère. On dirait qu’il en a vu d’autres.
Il accompagne nos grands moments… pourquoi pas plus ?
25 millions de Français franchissent chaque année la porte des études notariales. C’est un passage obligé pour un contrat de mariage, une acquisition, une donation, une transmission, un divorce ou un décès. Impossible d’acheter ou de vendre un bien immobilier, de signer un contrat de mariage, de faire une donation immobilière, une donation-partage ou une donation entre époux, de régler une succession sans passer par le notaire.
Mais on y va rarement en dehors de ces moments obligés. Et c’est bien là le problème.
«Le notaire est un juriste de proximité, il est là pour écouter et proposer des solutions, c’est un professionnel qui ne juge pas», explique Barbara Thomas-David, elle-même notaire depuis 25 ans, d’abord à Champigny-sur-Marne puis à Paris.
J’ai rencontré Barbara il y a trois ans et j’ai compris que les notaires n’étaient pas forcément tous des hommes austères et grisonnants. Que le métier pouvait se conjuguer au féminin, avec des conseils très concrets à la clé. Plus de la moitié des notaires (57%) en France sont aujourd’hui des femmes. C’est pour accompagner cette féminisation de la profession et l’encourager à porter attention à l’indépendance économique et financière des femmes que Barbara Thomas-David a créé en 2020 l’association Notaires au féminin.
«Au notaire, on va parler de sa vie, de ses relations familiales, de sa situation financière, poursuit Barbara Thomas-David. Il faut bien le choisir, se sentir en confiance.»
Les femmes n’ont guère l’habitude de prendre l’initiative d’une rencontre avec un notaire. Pourtant le rôle de ce professionnel est de connaître la loi, et en tirant les fils de nos vies, il peut identifier ce à quoi nous avons droit, ou trouver le meilleur moyen pour nous protéger.
La vie n’est pas un conte de fée, c’est souvent un compte de fait
Il y a le cas classique de la fille écartée au profit du garçon dans l’entreprise familiale. En compensation, elle reçoit une somme d’argent, quand son frère obtient des parts du capital. Au décès du père et fondateur, il reste souvent des titres de l’entreprise dans l’héritage ; c’est le moment de rééquilibrer entre les membres de la fratrie, voire de faire une place dans l’entreprise à la sœur.
Ou encore cette femme qui, au moment de son divorce, n’ose pas réclamer à son futur ex-mari l’argent qu’elle avait reçu d’un héritage et avec lequel elle avait financé les travaux de la maison familiale. Elle ne voulait pas braquer le père de ses enfants… Ou cet époux prêt à tout partager avec sa femme… sauf ses stock-options! Mais quand on est marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, le régime par défaut (celui qui s’applique quand on n’a pas signé de contrat de mariage), l’argent gagné et économisé par chacun pendant la durée du mariage appartient aux deux membres du couple.
«Le notaire est un magistrat de l’amiable, il peut agir en tampon», glisse Barbara Thomas-David.
Vous auriez raison d’aller voir un notaire sans raison
Pascale Baussant, à la tête de Baussant Conseil, un cabinet de conseil en gestion de patrimoine, le soulignait dans le hors-série Couple & cash du podcast Les Pépettes: «C’est important d’aller voir un notaire sans avoir forcément de projet immédiat, d’en connaître un avec qui on est en confiance, qui va apporter pédagogie, pragmatisme et qu’on reviendra voir le moment venu».
Le moment venu, c’est par exemple quand on s’installe dans une vie de couple. On peut choisir de vivre en union libre, et au regard de la loi, c’est comme si on était célibataire. «Le concubinage ne donne aucun droit, rappelle Barbara Thomas-David. Napoléon disait: « les concubins ignorent la loi, la loi les ignore ». C’est toujours vrai aujourd’hui!» Le notaire peut ainsi rappeler l’intérêt du Pacs aux aficionados de l’union libre: pour faire une seule déclaration d’impôts, pour être co-titulaires d’un bail de location, ou encore pour échapper aux droits de succession. Mais sans mariage, pas de pension de réversion en cas de décès, pas de prestation compensatoire en cas de séparation…
Le moment venu, c’est bien sûr quand on achète un bien immobilier. Mais c’est aussi quand l’un des deux crée son entreprise, hérite, quand on part en expatriation, quand on se remarie, ou quand vient l’heure de la retraite.
Le moment venu, c’est surtout quand on peut discuter sereinement de sujets délicats: «C’est quand tout se passe bien qu’il faut envisager le pire», assure Aurore Pinon-Jacques, cofondatrice de Goodvest, qui a raconté dans un podcast comment le sujet de l’argent a failli compromettre son mariage. Pour finalement le sauver, car aborder de front la gestion des finances dans le couple a permis d’en clarifier les principes et de trouver une formule où chacun se sent à l’aise.
Un coût, oui, mais moins élevé que celui des pots cassés
Là, vous vous dites: c’est bien joli tout ça, mais combien ça coûte? Les honoraires d’une consultation juridique pour faire le point sur votre situation personnelle sont fixés par chaque notaire.
Comptez 250 à 300 euros environ pour une première consultation, selon la durée et la région. N’hésitez pas, en prenant rendez-vous, à vous renseigner sur les prix! En général, l’étude vous fournira un devis ou vous fera signer une convention d’honoraires. Sachez aussi qu’une fois la relation créée avec votre notaire, vous pouvez l’appeler pour un conseil sans être facturé. En revanche, il vous fera payer au tarif qu’il aura choisi, les prestations non réglementées comme la rédaction d’un testament. Les tarifs des actes réglementés, eux, sont prévus par le Code du commerce et appliqués, quel que soit le notaire.
Et quand vous aurez trouvé votre notaire idéal, gardez ses coordonnées à portée de main, n’hésitez pas à le solliciter et à partager son numéro. Cela pourrait rendre service à une amie…