Le déclic
Il y a cinq-six ans, j’ai eu un véritable déclic. La démission, le 28 août 2018, de Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, m’a fait l’effet d’une révélation sur la difficulté des pouvoirs publics à agir pour l’environnement. Il y a eu aussi les événements climatiques extrêmes, de plus en plus nombreux, et les informations dans les médias qui m’ont alertée. J’ai ressenti une déconnexion de plus en plus forte entre mon travail et cette réalité.
J’ai commencé par faire évoluer mes comportements au quotidien : privilégier les courses au marché et auprès de maraîchers, réduire la part de viande dans mon alimentation, être vigilante sur la provenance des produits consommés et leur impact, limiter les déchets, arrêter de prendre l’avion. J’ai aussi changé de banque pour aller dans un établissement qui ne spécule pas sur les marchés financiers, qui investit dans l’économie locale et durable.
De fil en aiguille, un vrai changement de vie
Finalement, je me suis engagée dans une reconversion professionnelle, j’ai suivi une formation d’un an dans une école d’agronomie et je travaille désormais pour une collectivité locale, au service des agriculteurs. Mon ambition est de contribuer à la transition agricole et alimentaire !
Je suis originaire du Lot-et-Garonne, j’ai grandi à la campagne, avec un grand potager. Mon père a toujours travaillé pour l’agriculture, il a été notamment responsable des ventes de matériel agricole pour une coopérative, il avait beaucoup de liens avec le monde-là, donc j’ai côtoyé pas mal d’agriculteurs et j’ai effectué des jobs d’été dans des fermes.
Je pense que l’agriculture a un rôle clé à jouer dans cette transition nécessaire vers un mode de vie plus soutenable. Les enjeux autour du foncier agricole sont énormes, c’est très difficile pour de nouveaux agriculteurs de s’installer, les terrains sont pris par de gros acteurs industriels et financiers, or il faut assurer le renouvellement des générations de paysans
Changer de vie : check ! Mais comment changer le monde ?
J’ai entendu des activistes, des écologistes parler de la finance à impact, je me suis rapprochée de l’association Terre de Liens, qui promeut une agriculture bio et des pratiques vertueuses pour maintenir la qualité de la terre. J’ai participé à quelques réunions à Paris, j’ai découvert la Foncière et je me suis lancée ! La Foncière Terre de Liens achète des fermes et les loue ensuite à des fermiers et des fermières qui y développent une agriculture biologique, paysanne et de proximité. L’objectif est de favoriser l’accès des paysans à la terre et de promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement.
J’ai investi 5000 euros en 2019, et j’ai fléché cet investissement sur l’Aquitaine, ma région d’origine. A l’époque, c’était des actions à 100 euros, l’argent est bloqué sept ans ce qui permet d’avoir un impact sur le moyen terme. Il y a aussi un intérêt fiscal : si on laisse l’argent sept ans, on peut défiscaliser 25% du montant versé l’année où le placement est effectué. J’ai eu pour 150 euros de frais de dossier (3 euros par action) mais la défiscalisation les couvre largement.
Mon action enrichit le futur
En tant que citoyen, nous avons un pouvoir, à travers nos achats et l’utilisation de notre argent. C’est un bon moyen d’agir que de placer son argent dans une foncière comme Terre de Liens. On peut suivre l’avancée des projets. En Aquitaine, 21 fermes appartiennent à la foncière, dont 15 acquises depuis 2019, on les connaît et on peut même les aider en tant que bénévole. Il n’y a pas de rémunération des actions, simplement une revalorisation, qui limite l’impact de l’inflation sur la valeur réelle des actions. Mais c’est marginal : à la création de la foncière, en 2006, le prix de l’action était à 100 euros ; il est aujourd’hui à 105 euros.
En revanche, on peut revendre ses actions assez facilement, une fois par an. L’objectif n’est pas de faire du profit mais de l’épargne solidaire, citoyenne. Cela n’a rien à voir avec un placement à la banque : on sait où va l’argent, dans quelle poche et pourquoi.
De la même façon, je suis devenue en 2021 associée de Team for the Planet. J’ai mis quelques dizaines d’euros seulement, il faut dire que c’est un mouvement qui draine énormément de monde et a la capacité de lever beaucoup d’argent. L’intérêt, c’est de soutenir des projets portés par le secteur privé avec une vision « open source« , c’est-à-dire la volonté de partager et diffuser à grande échelle les solutions innovantes qui sont développées et qui ont fait leur preuve. 1 action coûte 1 euro et le dividende, c’est le bénéfice pour le climat, la quantité de gaz à effet de serre non émis ou stockés grâce à notre investissement !
J’ai aussi financé plusieurs projets sur la plateforme de crowdfunding Blue bees, notamment deux jeunes en reconversion qui avaient un projet de maraîchage bio en circuit court et de tourisme rural sur la ferme de Videau, à Villebramar dans le Lot-et-Garonne. Il s’agissait d’un don avec contrepartie, mais sur cette plate-forme on peut aussi faire des prêts avec un taux de rentabilité à 2%.
Je cherche à avoir un impact concret. Aujourd’hui, si j’avais des liquidités, j’investirais peut-être dans une start-up agricole. Mais notre pouvoir d’achat n’est plus le même qu’avant… Avec ma famille, nous avons quitté Paris pour nous installer en région. Nous avons acquis notre résidence principale, il y a donc un crédit à rembourser. Nous avons aussi une voiture, ce qui n’était pas le cas à Paris… Heureusement, notre maison dispose d’un petit jardin, on peut cultiver des tomates, des courgettes, des fraises, nous avons aussi planté un arbre fruitier. Cela permet de sensibiliser les enfants et de garder un lien avec la terre.❞
Illustration : un grand merci à Caroline Gaujour