Qu’il s’agisse de salaire, de retraite, d’épargne, ou d’investissement, l’argent des femmes reste un impensé économique. Cette situation prive la moitié de la population d’une réelle autonomie financière, et l’économie d’un puissant moteur.
Des salaires toujours inférieurs
En 2023, les salaires des Françaises demeurent inférieurs à ceux des Français. Dans son ouvrage Patriarcapitalisme (Seuil, 2021), la chercheuse Pauline Grosjean faisait ce constat : depuis les années 1990, l’écart salarial moyen entre hommes et femmes ne se réduit plus (15,5% en moyenne en 2018 versus 14,6% en 1995). Elle notait aussi la surreprésentation des femmes en bas de l’échelle, ainsi que dans les métiers les moins rémunérés, comme le soin et l’éducation. Toutes choses égales par ailleurs (hors effet métier et temps de travail), l’écart de salaire entre femmes et hommes reste, selon les sources, de 5 à 9%.
Une capacité d'épargne moins élevée
En 2023, les femmes veulent épargner comme les hommes mais sont limitées par leurs revenus moins élevés. D’après le Baromètre ViveS 2023 Les femmes et l’argent, réalisé par l’IFOP, avec Boursorama et La Financière de l’Echiquier, autant de femmes (31%) que d’hommes (29%) épargnent chaque mois une somme fixe. Mais 29% des femmes disent ne pas épargner car elles n’ont pas les moyens de le faire (vs 21% des hommes). Si elles le font, elles privilégient l’épargne de précaution. Ainsi, les femmes investissent deux fois moins en Bourse que les hommes. Elles ont donc moins de chance d’accroître leur patrimoine car elles sont moins présentes sur les placements à potentiel de rendement plus élevé.
Des difficultés d'accès aux financements
En 2023, les femmes rêvent plus que les hommes de créer leur entreprise. D’après un sondage OpinionWay pour Go Entrepreneurs publié le 30 mars, 28% des femmes interrogées ont l’envie de créer, reprendre une entreprise ou se mettre à leur compte (vs 20% des hommes). Mais elles accèdent très difficilement aux financements. Elles ont deux fois plus de risques de se voir refuser un prêt bancaire que les hommes. Face aux investisseurs, ce n’est pas mieux : en 2021, 88% du montant total levé par les start-ups françaises a été capté par des équipes 100 % masculines, d’après la troisième édition du baromètre Sista-BCG. Des entrepreneures bridées, c’est autant d’emplois et de richesses en moins.
Des inégalités de patrimoine qui se creusent
Enfin, les inégalités de patrimoine entre les femmes et les hommes se creusent. Selon une étude de l’Ined publiée en 2020, l’écart moyen de patrimoine entre les hommes et les femmes est passé de 7 000 € en 1998 à 24 500 € en 2015. Malgré la loi, les femmes sont désavantagées dans les successions comme l’ont démontré les autrices de Le genre du capital (La Découverte, 2020). Des femmes qui s’appauvrissent alors qu’elles vivent plus longtemps que les hommes, c’est une bombe à retardement à l’heure de la vieillesse et de la dépendance.
Alors qu’elles représentent une part croissante de la population active, les femmes ne sont pas parvenues à atteindre l’égalité financière avec les hommes. Parachever leur émancipation économique répond à un impératif d’équité et d’efficacité.
Illustration : un grand merci à Marie Lemaistre et l’agence Fllow