En France, les vacances sont un acquis social, une institution sacralisée et une manne essentielle pour un secteur du tourisme pléthorique. Étant donné leur importance culturelle et économique, il est pertinent d’appréhender les vacances avec le prisme du genre. On pourrait penser que les inégalités femmes / hommes ne viennent pas se nicher dans ce sujet en apparence « léger » et anodin, mais il n’en est rien. Les vacances sont liées à l’argent et au temps. À ce double titre, elles cristallisent beaucoup d’inégalités.
Voici un petit tour d’horizon des inégalités femmes/hommes face aux vacances en quatre points.
1. A priori, les femmes ont en moyenne davantage de congés que les hommes
C’est suffisamment rare pour être souligné : voilà enfin un domaine où les statistiques semblent favoriser les femmes ! 78 % des femmes disent avoir au moins 5 semaines de congés chaque année contre seulement 55 % des hommes. Les hommes sont même 36 % à déclarer avoir moins de 5 semaines contre 12 % de femmes dans le même cas. Hélas, derrière cette bonne nouvelle se cachent des explications concernant la non mixité des métiers et des situations professionnelles.
Les femmes sont beaucoup plus nombreuses dans les métiers liés à l’enfance (82 % des enseignants du primaire sont des femmes !) là où le calendrier scolaire offre davantage de congés. Les hommes sont plus nombreux à être chefs d’entreprise et indépendants et donc à ne pas bénéficier des semaines de congés des salariés. Les situations associées aux vacances plus longues (fonction publique, enseignement…) s’accompagnent, en général, de revenus plus faibles. Les vacances, c’est sympathique, mais ça veut dire que vous êtes plus pauvre… Pire encore, ces longues vacances calquées sur le calendrier scolaire sont souvent un argument pour justifier des salaires faibles !
2. Tout le monde ne part pas en vacances, notamment parmi les mères célibataires
Ne pas travailler pendant quelques jours, c’est bien, mais partir en vacances loin de chez soi, c’est nettement mieux ! Or pour cela, il faut des sous. En France, le taux de départ en vacances n’atteint que 60 %. « Si 80 % des plus aisés font leurs valises chaque année, c’est le cas de moins de 40 % des plus modestes » révèle l’Observatoire des inégalités. La moitié des personnes qui renoncent à partir le font parce qu’elles manquent de moyens.
C’est là que les inégalités de richesse entre femmes et hommes se traduisent par un écart de départ en vacances. Pour les familles monoparentales, les vacances sont souvent un « luxe » sur lequel il faut faire une croix. Ce sont 33 % des familles monoparentales, parmi lesquelles une grosse majorité de femmes, qui vivent sous le seuil de pauvreté, selon l’Insee. Les mères célibataires sont nombreuses à ne jamais s’offrir de vacances dignes de ce nom.
3. Les vacances des femmes sont moins reposantes
Combien de femmes poussent un soupir de soulagement au retour des vacances (notamment de Noël) tant elles ont l’impression d’avoir trimé au service des autres au lieu de se reposer ! C’est encore plus vrai quand il y a des jeunes enfants dans le foyer… En général, le partage inégalitaire des corvées domestiques se prolonge (voire s’amplifie) pendant les vacances. Cela cause une différence de perception notable sur le caractère « reposant » desdites vacances. En moyenne, les femmes assument toujours les deux tiers des corvées domestiques, et ce chiffre évolue peu : « les femmes consacrent trois heures trente par jour aux tâches domestiques, contre deux heures pour les hommes », d’après l’Observatoire des inégalités.
De la préparation des bagages aux courses, en passant par la confection des repas, en vacances, les corvées restent donc tout aussi genrées… Pour de nombreuses femmes, cela veut dire que, même en vacances, il reste encore la deuxième journée de travail (corvées et enfants). Parfois, cette dernière s’étend pour remplir la journée tout entière. « La charge mentale des femmes ne connaît pas de répit. Pour les mères de famille, les vacances se transforment vite en un travail à plein temps » explique cet article de Slate intitulé « Les femmes sont rarement tout à fait en vacances ».
4. En proportion de leurs revenus, les vacances coûtent plus cher aux femmes
Dans les couples hétérosexuels, les femmes sont plus pauvres que leur conjoint dans 75 % des cas. Comme toutes les dépenses du foyer, les vacances peuvent donc peser plus lourdement sur les finances féminines. C’est particulièrement douloureux dans les couples qui font 50/50. Mais c’est le cas aussi dans les couples qui partagent les dépenses au prorata de leurs revenus. En effet, même quand chacun paie proportionnellement à ses revenus, il peut y avoir le problème de l’effet d’entraînement : quand les femmes « courent derrière le standard de vie de leur compagnon » et que « le plus haut salaire donne le “la” sur le niveau de vie », comme l’explique Lucile Quillet.
Dans son livre Le Prix à payer, la journaliste ajoute : « Un homme acceptera-t-il de partir en vacances en camping parce que sa conjointe n’a pas les moyens de se payer le voyage à Cuba dont il rêve ? Sans doute lui paiera-t-il les billets. Mais même en ne payant que 30 % ou 40 % du voyage, la conjointe moins fortunée risque de débourser plus que pour des vacances au camping. » Les femmes sont donc souvent « entraînées » dans un train de vie qui ne correspond pas à leurs revenus et amenées à dépenser plus.
Alors, que faire pour des vacances plus équitables ?
- Restez vigilante sur l’effet d’entraînement et évitez de débourser une part trop importante de vos revenus pour « courir derrière » un niveau de vie qui ne correspond pas au vôtre. Ou alors, ces vacances vous sont entièrement offertes…
- Les vacances les plus reposantes sont celles qui minimisent les corvées : moins de ménage à l’hôtel plutôt qu’en maison de location ; moins de courses et cuisine au restaurant qu’à la maison… Ou alors, les corvées sont mieux réparties entre les vacanciers.
- Les vacances seule et sans enfant, même quelques jours, offrent un repos précieux. Il faudrait se libérer du sentiment de culpabilité que l’on peut ressentir en y songeant. Pourquoi ne pas institutionnaliser des mini-vacances en solo régulières quand on y prend goût ?
Illustration : un grand merci à Marie Lemaistre et l’agence Fllow