« Mais à quoi ça va te servir ? » Ça, c’est la phrase que j’entends le plus quand j’évoque mes envies de me former à telle ou telle discipline. Alors quand je me suis formée à l’hypnose pour enfants, mon entourage m’a demandé si je voulais changer de carrière. « Non ». Si j’allais ouvrir un cabinet. « Non plus ». Parce qu’il est inconcevable pour eux d’apprendre cette compétence sans qu’elle « serve ». De mon côté, je ne comprends pas pourquoi ça devrait nécessairement me « servir ». Je m’enrichis d’une nouvelle compétence. Mon esprit bouillonne à l’idée d’apprendre de nouvelles choses. Et ça me suffit !
“ Un style de vie que chacun peut adopter ”
Cette façon d’être entre dans ce que l’on appelle le lifelong learning ou lifelong education, que l’on peut traduire par « apprentissage tout au long de la vie ». C’est un concept qui ne date pas d’hier. En effet, l’année 1996 est déclarée « Année européenne de l’éducation et de la formation tout au long de la vie » suite à une réflexion menée par l’Europe sur le fait de déployer une stratégie pour favoriser la croissance, la compétitivité et par là-même, l’emploi. Le lifelong learning naît et devient LE fil rouge de toutes les actions menées en matière d’éducation. Dans ce contexte, cette notion s’apparente alors à celle de la formation continue. Celle-là même qui sert à développer de nouvelles compétences pour accroître notre employabilité, quel que soit l’âge. Mais selon moi, le concept de lifelong learning dépasse largement la simple notion de « se former pour rester à jour dans ses compétences ». C’est peut-être d’ailleurs pour cette raison que je n’ai pas trouvé de définition précise de ce concept. Je le vois plutôt comme une façon de vivre et un état d’esprit que chacun peut adopter.
“ Il faut décorréler la notion de formation continue des compétences utilisées dans notre travail ”
Cependant, certains sont plus enclins que d’autres à se lancer dans l’apprentissage. Pourquoi ? Parce que l’envie d’apprendre, c’est avant tout un talent. J’ai découvert cela en passant « le test des talents » il y a 5 ans. Celui ou celle qui bénéficie de ce talent adore apprendre, a une curiosité insatiable, aime découvrir de nouveaux concepts, acquérir de nouvelles compétences sans pour autant devenir un expert dans un domaine. Mais même si vous n’avez pas cette façon innée de fonctionner, vous pouvez évidemment vous inscrire dans une démarche d’apprentissage. Comment ? En allant vers ce qui vous plaît, tout simplement. La mosaïque ? L’anglais ? Les neurosciences ? Les plantes ? L’idée est que nous fassions tomber les barrières imposées par une culture française plutôt rigide et élitiste sur le sujet. On le voit bien : nous avons le concept de formation continue qui induit le fait de se mettre à jour dans nos compétences professionnelles mais qui pose en réalité deux problèmes majeurs :
1- Cette notion se heurte à la question suivante : « A 50 ans ou plus, que puis-je vraiment encore apprendre dans mon métier que je ne connaisse déjà par cœur ? »
2 – Elle fait l’impasse sur ce qui nous plaît vraiment dans la vie !
Or, selon moi, il faut décorréler la notion de formation continue des compétences utilisées dans notre travail. Voyons plus large, ouvrons les horizons. Pensons lifelong learning » !
On oublie donc la question « à quoi ça va te servir d’apprendre ça ? » parce que de toute façon, la nouvelle compétence que nous allons acquérir nous servira tôt ou tard, dans notre travail ou ailleurs. Tout nous nourrit. C’est ça dont il faut avoir conscience. Nous créons des connexions neuronales, des ponts entre plusieurs concepts qui nous aident à réaliser d’autres tâches sans même que nous nous en rendions compte. Par exemple, la pratique du Sudoku nous aide à mieux nous repérer dans l’espace, à développer notre intelligence stratégique et à faire face à des problèmes complexes, comme l’explique cet excellent article de The conversation. Assister à des conférences et écouter les autres avec attention développe la mémoire, la capacité de concentration.
“ Etre curieux nous ouvre toutes les portes ”
Pour adopter le style de vie d’un lifelong learner, un ingrédient est indispensable : la curiosité. Être curieux nous ouvre toutes les portes car chaque rencontre, exposition, balade… peut offrir un nouvel apprentissage. Avec des répercussions très positives dans notre vie :
- Découvrir ce qui nous fait briller les yeux. Idéal pour remodeler son poste, se reconvertir.
- Développer des compétences qui peuvent faire la différence à un instant T, dans la vie pro (on nous confie un dossier car on connaît notre appétence pour un sujet par exemple) ou perso (on fait de belles rencontres amicales ou amoureuses grâce à nos découvertes/apprentissages).
- Retrouver un second souffle dans notre travail en approfondissant un pan connexe de notre métier.
- Booster notre créativité en tissant des liens entre notre quotidien professionnel et ce que l’on apprend par ailleurs. Ces “connexions” de compétences qui n’ont a priori rien à voir entre elles nous rendent encore plus inventifs !
“ Il est impossible de définir l'âge d'une personne grâce à l'observation de son cerveau "
Le lifelong learning dynamise ! Il nous donne de l’énergie. De là à dire qu’il est un élixir de jouvence, il n’y a qu’un pas. D’ailleurs, le professeur Pierre-Marie Lledo, Directeur du département de Neurosciences à l’Institut Pasteur, professeur à l’Université d’Harvard et membre de l’Académie Européenne des Sciences le dit bien : « C’est un fait scientifique : il est impossible de définir l’âge d’une personne grâce à l’observation de son cerveau ». Il ajoute : « le cerveau se nourrit du changement et se détruit par la routine. Et il n’existe pas de cerveau paresseux. Au contraire, notre cerveau a une appétence naturelle à recevoir des informations nouvelles, à comprendre, à agir… Il faut donc lui proposer les outils et apporter les conditions pour qu’il continue à se développer. Le cerveau est un « couteau suisse » et les compétences que l’on peut acquérir sont infinies ».
Quand je lis que je peux acquérir des compétences infinies, ça me donne de l’énergie ! D’ailleurs, ma dernière envie de lifelong learner : apprendre le néerlandais. Je vous laisse imaginer la réaction de mon mari quand je lui en ai fait part… « Mais à quoi ça va te servir ? »
Illustration : un grand merci à Laurence Bentz et l’agence Virginie