Comment ça commence...
14 octobre 2014 : à la suite d’un accident opératoire, Nadalette La Fonta devient paraplégique. La vie de cette « Wonder Woman » multi-casquettes, à la fois mère, épouse et communicante accomplie, bascule. Une vie à 100 à l’heure, brutalement à l’arrêt. L’histoire aurait pu se finir sur une note tragique : mise KO, hors-service, elle aurait pu y rester. Dans un sens, cette version bêta de l’auteure y est d’ailleurs restée.
Car de cette épreuve naît une autre femme. Bas les masques : contrainte de reprendre contact avec ce corps qui l’a lâchée, Nadalette renaît à elle-même. Et fait cadeau à celles et ceux qui voudront bien la lire, d’un puissant témoignage.
Petit à petit, à force de patience et persévérance, « millimètre par millimètre » comme elle l’écrit, celle qui un jour s’est brisée part à la reconquête de tout son être : corps, cœur, esprit. A la reconquête du temps aussi. Non seulement Nadalette va réussir à marcher de nouveau, certes de manière précaire, mais à marcher tout de même.
A 62 ans, trois ans seulement jour pour jour après son accident, elle va aussi se faire le plus beau des cadeaux : écouter, enfin, sa petite voix intérieure. Cette voix qui, à 18 ans, lui faisait rêver de devenir écrivain. Et qu’elle a fini par écouter.
Comment ce récit résonne en moi
Comment ne pas être interpellée par cette force, cette détermination à toute épreuve ? Femme, « vieille » déjà aux yeux des autres au moment de l’accident, et handicapée : trois conditions qui auraient pu la limiter. Et pourtant. Au creux de mon oreille, dans l’intimité qu’offrent les pages d’un livre écrit à la première personne, Nadalette me souffle que nos déterminismes ne nous déterminent pas : « J’ai un handicap, je ne suis pas mon handicap ».
A l’heure où ma relation avec celui que j’avais choisi comme partenaire de vie vacille, le témoignage de Nadalette La Fonta résonne singulièrement. Comme une boussole, l’auteure oriente son lecteur vers l’action, l’espoir, les forces vives qui vous mettent en mouvement. Avec une sagesse toute orientale, elle rappelle que « les grandes douleurs sont le corollaire des grandes découvertes ». Que chaque épreuve peut et même doit être un passage.
« Nos tempêtes sont à la hauteur de nos rêves » : une manière imagée de dire tout ce que la tempête recèle de promesses, si tant est qu’on sache faire face à ce qui se présente à nous. Y compris quand l’événement est de nature à nous anéantir.
Ce qui m'inspire
Ce qui me touche dans l’histoire de Nadalette, ce n’est pas seulement le fait de se relever après une telle claque. Plus qu’une claque, une catastrophe : « un mot qui étymologiquement dit coupure et virement, tournant », rappelle le neuropsychiatre Boris Cyrulnik au sujet de la pandémie et des confinements en série que nous avons connus. Non, ce n’est pas que ça. Ce qui me touche et m’impressionne, c’est le fait de sortir grandie, transformée d’une telle épreuve. Boris Cyrulnik ne dit pas autre chose quand il explique qu’à l’issue de la pandémie, « il nous faut renaître autrement ».
Renaître. Non seulement Nadalette a ré-appris à tenir debout sur ses deux pieds, mais elle a tiré parti de cette expérience littéralement catastrophique pour réaliser un rêve de jeunesse. Un de ces vieux rêves qu’on laisse traîner dans un tiroir de notre esprit et qui un jour, se rappelle à notre conscience. Prenant exemple sur le roseau qui plie mais ne rompt pas, l’auteure livre un témoignage précieux sur la résilience, dans un contexte où cette « aptitude des corps à résister aux pressions et à reprendre leur structure initiale », selon les mots de Cyrulnik, semble plus que jamais nécessaire.
Ce qui est inspirant aussi, c’est que l’âge n’est ici pas un frein, bien au contraire. Cet âge, écrit-elle, « je l’assume comme un atout, pas une blessure, pas une fatalité ». Vous avez remarqué ? Nadalette a l’art de ne pas s’enfermer dans des cases, quelles qu’elles soient. « Parce que l’âge ouvre à d’autres plans de conscience et de sagesse », ajoute-t-elle. Certes, la relation entre âge et sagesse n’est pas automatique. Mais on découvre en lisant Nadalette que chez elle, avancer en âge non seulement n’est pas pénalisant, mais est même libérateur.
Comment cela change mon regard
Lire Nos tempêtes sont à la hauteur de nos rêves m’a fait aller à la rencontre d’une femme. Car l’auteure nous partage son expérience la plus intime. Et aussi parce que le livre est un point de départ qui conduit à d’autres récits, d’autres partages. J’ai eu la chance de rencontrer Nadalette après avoir lu son livre. En échangeant avec elle, j’ai eu l’impression de la connaître déjà : mélange de force et de douceur, de puissance et de vulnérabilité assumée dans ce regard vert qui vous transperce.
Dans cette épreuve amoureuse que je traverse, je veux prendre exemple sur ce savant cocktail mêlant puissance et vulnérabilité. Grâce à cette lecture et à cette rencontre, j’apprends à envisager l’épreuve non comme un point final, mais comme une virgule. Une étape, qui ne préjuge pas de la suite et peut m’aider à évoluer pour aller vers mieux.
Le récit de Nadalette a changé le regard que je porte sur les épreuves, du moins sur celle que je vis aujourd’hui. Sur le coup bien sûr, je suis sonnée, désorientée. Abattue par moments. Triste, en colère, dans le déni, à nouveau triste, et ainsi de suite.
Mais quand je vois ce que certains et surtout certaines réussissent à surmonter, quand j’entends ces femmes puissantes qui, comme Nadalette, ont pris leur courage à deux mains au moment où la vie les malmenait, je me dis que bien que toutes les épreuves ne se valent pas, transformer une tempête en éclaircie est possible. A condition d’endosser le rôle du capitaine, maître à bord sur son navire, sans pour autant tomber dans l’illusion de toute-puissance. L’auteure d’ailleurs le dit bien : reconnaître sa part de vulnérabilité est clé pour renouer avec sa puissance.
Mes citations "mantra"
Après l’accident, Nadalette voit son rapport à son corps et à son être changé en profondeur. Cloîtrée sur un lit d’hôpital, confinée avant l’heure, elle est forcée de se recentrer. D’écouter ce qu’elle ressent.
« Ma seule validation est la joie dans mon corps, le plaisir dans mon cœur et le pétillement dans mon esprit ».
Une phrase qui résonne pour la spécialiste des nœuds dans le cerveau que je suis ! Corps, cœur, esprit : une bonne boussole pour arbitrer. Surtout quand ils sont tous les trois alignés.
Évoquant le psychanalyste Carl Jung, challenger du cher Freud, Nadalette La Fonta témoigne de la valeur de l’épreuve, quand celle-ci est « une initiation, un seuil, un processus de transformation ».
Et nous rappelle cette citation : « Ce à quoi je fais face s’efface, ce à quoi je résiste, persiste ». Pour ma part, j’ai longtemps résisté à la faillite amoureuse. Ce faisant, j’en ai pris le chemin, lentement mais sûrement. Et vous, à quoi résistez-vous ?
Illustration : un grand merci à Louise de Lavilletlesnuages